<381>qu'eux, car j'ai tant de plaisir à m'entretenir avec vous, que les heures me paraissent des moments. Si vous voulez que mes lettres soient plus courtes, soyez moins aimable, ou, selon le paragraphe 12 de Leibniz, cela implique contradiction; donc, etc.

Aimez-moi toujours un peu, car je suis jaloux de votre estime, et soyez bien persuadé que vous ne pouvez faire moins sans beaucoup d'ingratitude pour celui qui est avec admiration votre, etc.

123. DE VOLTAIRE.

(Bruxelles) 1er juin 1740.

Monseigneur, ma destinée est de devoir à Votre Altesse Royale le rétablissement de ma santé; il y a près d'un mois qu'on m'empêche d'écrire; mais enfin l'envie d'écrire à mon souverain m'a rendu des forces. Il fallait que je fusse bien mal, pour que les vers que je reçus de Berlin, datés du 26 avril, ne pussent ranimer mon corps en échauffant mon âme. Cette Epître sur la nécessité de remplir le vide de l'âme par l'étude est, je crois, le meilleur ouvrage de vers qui soit sorti de mon Marc-Aurèle moderne.

C'est ainsi qu'à Berlin, à l'ombre du silence,
Je consacrais mes jours aux dieux de la science.a

Toute cette fin-là est achevée, et le reste de la pièce brille partout d'étincelles d'imagination. Votre raison a bien de l'esprit; mais il y a encore un de vos enfants qui m'intéresse davantage; c'est la réfutation de Machiavel. Je viens de la relire; je puis encore une fois assurer V. A. R. que c'est un ouvrage nécessaire au genre humain. Je ne vous cacherai point qu'il y a des répétitions, et que c'est le plus bel arbre du monde qu'il faut élaguer. Je vous dis la vérité, grand prince, comme vous méritez qu'on vous la dise, et j'espère que, quand vous serez un jour sur le trône, vous trouverez des amis qui vous la diront. Vous êtes fait


a Voyez t. XIV, p. 100.