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141. AU MÊME.

Wésel, 6 septembre 1740.

Mon cher Voltaire, il faut, malgré que j'en aie, céder à la fièvre quarte, plus tenace qu'un janséniste; et, quelque envie que j'aie eue d'aller à Anvers et à Bruxelles, je ne me vois pas en état d'entreprendre pareil voyage sans risque. Je vous demanderai donc si le chemin de Bruxelles à Clèves ne vous paraîtrait pas trop long pour me joindre; c'est l'unique moyen de vous voir qui me reste. Avouez que je suis bien malheureux; car à présent que je puis disposer de ma personne, et que rien ne m'empêchait de vous voir, la fièvre s'en mêle, et paraît avoir le dessein de me disputer cette satisfaction.

Trompons la fièvre, mon cher Voltaire, et que j'aie du moins le plaisir de vous embrasser. Faites bien mes excuses à la marquise de ce que je ne puis avoir la satisfaction de la voir à Bruxelles. Tous ceux qui m'approchent connaissent l'intention dans laquelle j'étais; et il n'y avait certainement que la fièvre qui pût me la faire changer.

Je serai dimanche à un petit endroit proche de Clèvesa où je pourrai vous posséder véritablement à mon aise. Si votre vue ne me guérit, je me confesse tout de suite.

Adieu; vous connaissez mes sentiments et mon cœur.

142. AU MÊME.

Septembre 1740.

Tu naquis pour la liberté,
Pour ma maîtresse tant chérie,
Que tu courtise, en vérité,


a Le château de Moyland; Voltaire y arriva le 11 septembre, ainsi que le Roi, qui repartit le 14 pour Potsdam. Voyez t. XVI, p. 221, et t. XVII, p. 48, 76 et 77.