<187>les touts sont égaux; ainsi vous seriez demeurés précisément dans la situation où vous êtes.

Je persiste toujours à croire que cette guerre était bien plus raisonnable que celle de 1756, qui n'avait pas le sens commun; mais je laisse là ma politique, qui n'en a pas davantage, pour dire à V. M. que j'espère faire ma cour après Pâques, dans mon ermitage, aux princes de Suède vos neveux, dont tout Paris est enchanté. On parle beaucoup plus d'eux que du parlement. Deux princes aimables font toujours plus d'effet que cent quatre-vingts pédants en robe.

On m'a dit que d'Argens est mort;a j'en suis très-fâché; c'était un impie très-utile à la bonne cause, malgré tout son bavardage.

A propos de la bonne cause, je me mets toujours à vos pieds et sous votre protection. On me reprochera peut-être de n'être pas plus attaché à Ganganelli qu'à Mustapha; je répondrai que je le suis à Frédéric le Grand et à Catherine la Surprenante.

Daignez, Sire, me conserver vos bontés pour le temps qui me reste encore à faire de mauvais vers en ce monde.

Le vieux ermite des Alpes.

435. VOLTAIRE.

Potsdam, 16 mars 1771.a

Il y a longtemps que je vous aurais répondu, si je n'en avais été empêché par le retour de mon frère Henri, qui revient de Russie. Plein de ce qu'il y a vu digne d'admiration, il ne cesse de m'en entretenir; il a vu votre souveraine; il a été à portée d'applaudir à ces qualités qui la rendent si digne du trône qu'elle occupe, et à ces qualités sociables qui s'allient si rarement avec la morgue et la grandeur des souverains.


a Le marquis d'Argens était mort le 12 janvier.

a Le 5 mars 1771. (Variante des Œuvres posthumes, t. IX, p. 137.)