<267>enrichissez le royaume que vous vous êtes donné par un trait de plume. Que vous reste-t-il à faire? Rien autre chose que de vivre longtemps pour jouir.

Comme V. M. recevra probablement mon petit paquet aux bonnes fêtes de Noël, et que le Dieu de paix va naître avant qu'il soit trois semaines, je me recommande à lui, afin qu'il obtienne ma grâce de vous, et que vous me pardonniez toutes les pouilles que j'ai dites à V. M., et la haine cordiale que j'ai pour votre métier de César. Ce César, comme vous savez, pardonnait à ses ennemis quand il les avait vaincus; et vous aurez pour moi la même clémence, après vous être bien moqué de moi.

Le vieux malade de Ferney, qui s'égaye quelquefois dans les intervalles de ses souffrances, se met à vos pieds avec cinq ou six sortes de vénérations pour vos cinq ou six sortes de grands talents, et pour votre personne qui les réunit.

479. A VOLTAIRE.

(Potsdam) 10 décembre 1773.a

Il était bien juste qu'un pays qui avait produit un Copernic ne croupît pas plus longtemps dans la barbarie en tout genre où la tyrannie des puissants l'avait plongé. Cette tyrannie allait si loin, que les grands, pour mieux exercer leurs caprices, avaient détruit toutes les écoles, croyant les ignorants plus faciles à opprimer qu'un peuple instruit.

On ne peut comparer les provinces polonaises à aucun État de l'Europe; elles ne peuvent entrer en parallèle qu'avec le Canada. Il faudra par conséquent de l'ouvrage et du temps pour leur faire regagner ce que leur mauvaise administration a négligé pendant tant de siècles.

Vos vœux ont été exaucés : les Turcs ont été battus par les Russes, Silistria prise, et le vizir fugitif du côté d'Andrinople.


a Le 11 décembre 1773. (Variante des Œuvres posthumes, t. IX, p. 211.)