<276>l'honneur de servir un roi guerrier et philosophe, qui voit tout et qui fait tout par lui-même, et qui n'aurait pas souffert cette détestable boucherie. Je remercie donc V. M. avec la plus grande sensibilité; et si je ne réussis pas dans mon œuvre charitable, je ne serai pas moins reconnaissant de votre extrême bonté.

Agréez, Sire, le profond respect de ce vieux malade qui est à vous comme s'il se portait bien.

P. S. Je retrouve dans ce moment une lettre de Morival; je souligne l'endroit où il m'explique ses vues sur son service. Vous verrez, Sire, que vous n'accorderez pas votre protection à un sujet indigne.

J'oserais vous demander une autre grâce pour lui, en cas qu'il ne pût réussir dans son procès; ce serait de l'envoyer dans l'armée russe, parmi les autres officiers de V. M. Il ne verra rien de si barbare parmi les Turcs que ce qui s'est passé dans Abbeville.

486. A VOLTAIRE.

Potsdam, 29 mars 1774.

Votre éloquence est semblable à celle de ce fameux orateur des Romains, Antoine, qui savait si bien plaider ses causes, même injustes, qu'il les gagnait toutes. Je me sens fort obligé de la haine que vous avez pour moi, et je vous prie de me la continuer, comme la plus grande faveur que vous puissiez me faire. Bientôt vous me persuaderez qu'il fait nuit en plein jour.

Je suppose que Morival doit être à présent à Ferney. Vous entendez mieux les lois françaises que moi, et vous concilierez la présence d'un exilé avec ces mêmes lois qui lui défendent l'entrée de toute province appartenante à cet empire. Vous lui ferez obtenir sa grâce, et une récompense de ce qu'il a eu assez d'esprit pour se dérober au supplice que ce malheureux La Barre a souffert.