<325>yeux de l'Europe; il veut et il doit se borner à faire voir la turpitude et l'horreur des jugements velches. Cette affaire est plus abominable encore que celle des Calas; car les juges des Calas n'avaient été que trompés, et ceux du chevalier de La Barre ont été des monstres sanguinaires de gaîté de cœur.

Je m'en rapporte à votre jugement, Sire, et j'attends votre décision, qui réglera notre conduite. Nos lois sont atroces et ridicules; mais Morival ne connaît que les vôtres. Il se soucie fort peu de la petite part qui lui reviendrait dans le partage avec sa famille; il ne veut plus connaître d'autre famille que son régiment, et n'aura jamais d'autre roi et d'autre maître que vous.

J'ai été quelque temps sans écrire à V. M. Il a régné dans nos cantons une maladie épidémique affreuse, dont ma nièce a pensé mourir, et dont je suis encore attaqué.

Vivez longtemps, Sire, non pas pour votre gloire, car vous n'avez plus rien à y faire, mais pour le bonheur de vos États. Conservez-moi des bontés qui me consolent de toutes mes misères.

516. DU MÊME.

(Ferney) 1er mai 1775.

Sire, votre dernière lettre est un chef-d'œuvre de raison, d'esprit, de goût et de bonté.

C'est un sage qui nous instruit,
C'est un héros qui s'humanise;
Rien de si beau ne fut produit
Sur le Parnasse et dans l'Eglise.
Mon cœur s'émeut quand je vous lis.
Tout près de mon heure suprême,
Grâces à vous je rajeunis;
J'admire votre gloire extrême,
Comme ont fait tous vos ennemis;
Mais je fais bien mieux, je vous aime
Comme je vous aimai jadis.