<375>jésuites qui étaient dans son empire. Le père Amiot avait traduit son poëme;a on aime toujours son traducteur, et je maintiens qu'un monarque qui fait des vers ne peut être cruel.

J'oserais demander une grâce à V. M. : c'est de daigner me dire lequel est le plus vieux de mylord Marischal ou de moi; je suis dans ma quatre-vingt-troisième année, et je pense qu'il n'en a que quatre-vingt-deux. Je souhaite que vous soyez un jour dans votre cent douzième.

544. A VOLTAIRE.

Potsdam, 8 avril 1776.

J'ai lu avec plaisir les Lettres curieuses que vous avez bien voulu m'envoyer. J'ai beaucoup ri de l'anecdote sur Alexandre, rapportée par Oléarius.b L'abbé Pauw est tout vain de ce que ces Lettres lui sont adressées; il croit n'avoir aucune dispute avec vous pour le fond des choses; il croit qu'il ne diffère de vos opinions sur les Chinois que de quelques nuances; il croit que l'empire de la Chine remonte à la plus haute antiquité, qu'on y connaît les principes de la morale, que les lois y sont équitables : mais il est aussi très-persuadé que, avec ces lois et cette morale, les hommes sont les mêmes à Pékin qu'à Paris, à Londres, et à Naples.

Ce qui le révolte le plus contre cette nation, c'est l'usage barbare d'exposer les enfants, c'est la friponnerie invétérée dans ce peuple, ce sont les supplices plus atroces que ceux dont on ne se sert encore que trop en Europe.

Je lui dis : Mais ne voyez-vous pas que le Patriarche de Ferney suit l'exemple de Tacite? Ce Romain, pour animer ses compatriotes à la vertu, leur proposait pour modèle de candeur


a Voyez t. XIII, p. 43, et ci-dessus, p. 183.

b Voyez Lettres chinoises, indiennes, tartares, onzième lettre; Œuvres de Voltaire, édition Beuchot, t. XLVIII, p. 245-247.