<398>me tourmentent plus que les fanatiques ne me tourmenteront. J'emploierai, si je puis, mes derniers moments à rendre exécrables les assassins juridiques de Morival d'Étallonde, du chevalier de La Barre, du général Lally, de la maréchale d'Ancre, et de tant d'autres.

Tout ce que V. M. daigne me dire sur notre gouvernement et sur nos finances est bien vrai; c'est à Newton à parler de mathématiques, c'est à Frédéric le Grand à parler de gouverner les hommes. Je serais étonné si la France attaquait aujourd'hui les Anglais sur mer, comme je serais très-surpris si notre puissance ou impuissance osait attaquer V. M. sans avoir discipliné ses troupes pendant vingt années.

Daignez, Sire, me conserver vos bontés jusqu'à mon dernier moment.

557. A VOLTAIRE.

Potsdam, 17 juin 1777.a

Le talent est un don des dieux
Qu'en nos jours leur main trop avare
Rend plus estimable et plus rare
Qu'au temps des Quinaults, des Chaulieux.
Né sur les bords de la Baltique,
Sous un ciel chargé de frimas,
Admirateur du chant lyrique,
Mon âme épaisse et flegmatique,
En s'efforçant, n'en produit pas.
Que me restait-il donc à faire?
Ne pouvant être un bon auteur,
Je me rendis l'humble éditeur
D'Épicure et de Deshoulière.

Si j'étais Voltaire ou Apollon, j'aurais peut-être resserré le volume en le réduisant à moins de pages; mais m'aurait-il convenu d'être aussi sévère censeur, ne pouvant surpasser ceux


a Le 1er juin 1777. (Variante des Œuvres posthumes, t. IX, p. 344.)