<78>autant que des siennes, et il ne veut plus songer qu'à réparer, avant sa mort, les écarts funestes d'une imagination trompeuse, en faisant des vœux sincères pour qu'un aussi grand homme que vous soit aussi heureux et aussi grand en tout qu'il doit l'être.

376. A VOLTAIRE.

Camp de porcelaine, à Meissen, 1er mai 1760.

De l'art de César et du vôtre
J'étais trop amoureux dans ma jeune saison;
Mais je vois, au flambeau qu'allume ma raison,
Que j'ai mal réussi dans l'un comme dans l'autre.
Depuis ce vrai héros qui force à l'admirer,
Parmi ceux que l'histoire eut soin de consacrer,
Il n'en est presque aucun, exceptez-en Turenne,
Condé, Gustave-Adolphe, Eugène,
Que l'on ose lui comparer.
Sur le Parnasse, après Virgile,
Je vois passer dix-sept cents ans
Où le génie humain stérile
S'efforce vainement d'atteindre à ses talents.
Et si le Tasse a su nous plaire
Par certains détails de ses chants,
Sa fable mal ourdie altère
La beauté de ses traits brillants.
Le seul fils d'Apollon, le seul digne adversaire
Qu'au cygne de Mantoue on ait droit d'opposer,
Vous l'avez deviné, je me le persuade,
C'est l'auteur que la Henriade
Mérita d'immortaliser.
Pour moi, je me renferme en mes justes limites;
Et, loin de me flatter d'atteindre en mon chemin
Les talents du poëte et du héros romain,
Je borne mes faibles mérites
Au devoir d'être juste, au plaisir d'être humain.a


a Ces vers se trouvent déjà, avec quelques corrections, t. XII, p. 178 et 179.