<91>sentations. Il tint bon; et, quelques jours après notre belle conversation, je lui décochai cette Épître. Comme il me fallait une satisfaction du mal qu'il avait dit de mes stoïciens, je l'ai badiné sur quelques belles dames auxquelles il avait fait tourner violemment la tête. Les poëtes se permettent des exagérations, et ne s'en font aucun scrupule; aussi l'ai-je dépeint courant de conquêtes en conquêtes, ce qui, au fond, n'est pas trop dans son caractère et dans la trempe de son âme. Ne direz-vous pas, mon cher ermite, que je suis un vieux fou de m'occuper, dans les circonstances où je me trouve, de choses aussi frivoles? Mais j'endors ainsi mes soucis et mes peines. Je gagne quelques instants; et, ces instants, hélas! passés si vite, le diable reprend tous ses droits. Je me prépare à partir pour Breslau,c et pour y faire mes arrangements sur les héroïques boucheries de l'année prochaine. Priez pour un Don Quichotte qui doit guerroyer sans cesse, et qui n'a aucun repos à espérer, tant que l'acharnement de ses ennemis le persécutera. Je souhaite à l'auteur d'Alzire et de Mérope cette tranquillité dont me prive ma malheureuse étoile. Vale.

382. AU MÊME.a

Berlin, 1er janvier 1765.

Je vous ai cru si occupé à écraser l'infâme, que je n'ai pu présumer que vous pensiez à autre chose. Les coups que vous lui avez portés l'auraient terrassée il y a longtemps, si cette hydre ne renaissait sans cesse du fond de la superstition répandue sur toute la face de la terre. Pour moi, détrompé dès longtemps des char-


c Le Roi arriva à Breslau le 9 décembre.

a Réponse à la lettre de Voltaire, du 9 décembre 1764, qui s'est perdue. Voyez Friedrichs des Zweiten hinterlassene Werke. Aus dem Französischen übersetzt. Berlin, 1789, t. I, p. XXXI (b). Voyez aussi la lettre de Frédéric à d'Alembert, du 24 mars 1765.