<145>traits aient égratigné en rien le cœur de nos Hollandais; ils ont été de marbre, ainsi que les cardinaux de la sainte Église romaine, et je ne répondrais pas même que leurs sens aient été ébranlés par les sons de l'harmonie. Mais que vous font, madame, des oreilles hollandaises, et que vous importe qu'elles soient sensibles ou non? Je dois, madame, vous entretenir d'une matière plus importante : vous m'avez rendu jaloux à l'excès; vous remplissez mes jours de trouble; vous avez accordé des faveurs à mon frère, que vous me déniez; il possède votre portrait, madame, et je ne l'ai point. Il est vrai que l'image de votre beau génie m'est toujours présente; je parcours votre poésie, j'entends chanter vos airs, je me délecte dans cette occupation. Mais, madame, quel crime irrémissible ai-je commis, pour que vous me trouviez indigne de posséder l'empreinte de vos traits, et de regretter, en les regardant, les moments heureux que vous vouliez bien que je passasse chez vous? Je vous vais traiter comme les dieux : on leur fait des prières, et puis on se résigne à leur volonté. Usez-en, madame, comme vous le voudrez; quoi que vous résolviez, rien n'altérera en moi les sentiments d'admiration et de la haute estime avec laquelle je suis, etc.

91. DE L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.

Dresde, 5 décembre 1767.



Sire,

Le séjour de Pretzsch me deviendra bien cher lorsqu'il pourra me mettre à portée, je ne dis pas de recevoir des fêtes de V. M., mais de la voir, ce qui seul serait pour moi une fête brillante et précieuse. Mais, Sire, en vérité, vous me confondez par des louanges dont tout mon amour-propre ne m'empêche pas de sentir l'excès. Quoique femme, quoique princesse, musicienne, et me mêlant même un peu de poésie, comment pourrais-je imagi-