<291>moins longue qu'elle n'est brillante et nécessaire au bonheur de l'Europe. Le cœur me le dit, Sire, et il ne me trompera pas plus sur l'avenir qu'il n'en impose à V. M. en lui réitérant les assurances de la plus haute estime et de l'admiration infinie avec laquelle je suis, etc.

198. A L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.

(Berlin) 8 janvier 1777.



Madame ma sœur,

Je félicite Votre Altesse Royale de son heureux retour dans le sein de sa famille après une assez longue absence, et je juge de sa belle humeur par la bonté qu'elle a de badiner sur mon compte. Non, madame, je n'entre point dans la catégorie des héros; les Agamemnon et les Achille étaient d'un siècle supérieur au nôtre, et je ne crois pas que les habitants des bords de la Baltique, descendants des Obotrites, puissent jamais se comparer aux habitants de l'ancienne Grèce, qui était jadis la vraie patrie des grands hommes et des héros. Mais V. A. R. peut changer des nains en géants et faire des miracles semblables, maintenant qu'elle se trouve parmi des mortels, attendant ceux qu'elle opérera après son apothéose, dont j'espère que l'époque sera différée de longtemps, pour que nous ayons le bonheur de jouir encore longtemps d'elle.

Le grand-duc de Russie est venu ici, madame, comme les Argonautes; il a enlevé la toison d'or, et a disparu. Il m'a paru très-aimable, et plus instruit que ne le sont d'ordinaire les grands princes. On a pris un soin particulier de son instruction; outre cela, il témoigne tant d'avidité de s'instruire, qu'ici, parmi tous les divertissements qu'on a tâché de lui fournir, il employait quelques moments de loisir pour étudier le droit chez un homme de lettres qui était de sa suite. Depuis son départ, j'ai fait une assez grosse maladie, occasionnée par un abcès à la jambe, qu'on