<378>temps auprès d'elle. C'est là, c'est dans ses entretiens que je puiserai les lumières nécessaires pour étendre ces Éléments de philosophie auxquels elle a la bonté de s'intéresser. Ce travail exige de l'encouragement, et c'est auprès de vous seul que la philosophie peut en trouver; car elle n'est pas si heureuse que V. M., elle n'a pas fait la paix avec tous ses ennemis. Ne croyez point, Sire, qu'elle entende assez mal ses intérêts pour vouloir être en guerre avec vous; et que deviendrait-elle, si elle perdait un appui tel que le vôtre? La géométrie suivra son exemple; elle signera sa paix comme les Autrichiens, et avec plus de plaisir qu'eux. Elle se gardera bien surtout de vouloir ôter à V. M. ses hochets,a malgré les coups qu'elle en a reçus; elle sait trop bien qu'on ne lui ôte rien sans s'en repentir, et sans être forcé de le lui rendre. Elle ira s'instruire et s'éclairer auprès de vous; elle ira porter à V. M., sans avoir à craindre le reproche de flatterie, les vœux, l'amour et le respect de tous ceux qui cultivent les lettres, et qui ont le bonheur de voir dans le héros de l'Europe leur chef et leur modèle.

Je suis avec le plus profond respect, etc.

12. A D'ALEMBERT.

Berlin, 14 avril 1763.

Nos campagnes sont finies. Je suis sensible à la part que vous y prenez. La paix est si bien faite, que j'espère n'avoir plus rien à démêler avec la Reine et avec la géométrie. Je vais donc vivre tranquillement avec les Muses, et occupé à réparer les malheurs de la guerre, dont j'ai toujours gémi. Je compte faire en juin ou juillet un petit voyage dans le pays de Clèves. Si vous voulez vous y rendre, je vous ferai marquer le temps précis de mon départ, et je vous ramènerai en toute sûreté à Potsdam. Sur ce, etc.


a Voyez t. VI, p. 80; t. XIII, p. 11 et 96; t. XIX, p. 144 et 361; et t. XXIII, p. 407 et 412.