<530>des nôtres. Il y a longtemps qu'elle a signé son engagement par ses écrits.

Tandis que V. M. m'envoyait d'excellents vers, je barbouillais de mauvaise prose que je prends la liberté de lui envoyer. C'est un discours et un dialogueb que j'ai eu l'honneur de lire en présence de Sa Majesté le roi de Suède, l'un à l'Académie des sciences, l'autre à l'Académie française. J'ai eu occasion, dans le discours, de rendre à V. M. l'hommage que lui doivent depuis si longtemps les sciences, les lettres et la philosophie, pour la protection dont elle les honore, et les ouvrages excellents par lesquels elle contribue à leurs progrès. Je dois rendre à tous mes confrères la justice qu'ils ont applaudi unanimement à cet endroit de mon discours; et en effet, Sire, je n'ai fait qu'exprimer faiblement, quoique avec toute la force et la vérité dont je suis capable, les sentiments profonds d'admiration, de reconnaissance et de respect dont toute la littérature française est pénétrée pour V. M. Le roi de Suède, son digne neveu, paraît vouloir marcher sur ses traces; il ne peut se proposer un plus beau modèle; ce prince emporte de France l'estime universelle, et l'attachement de tous ceux qui ont eu l'honneur de l'approcher. Son départ accéléré m'a privé du bonheur de lui faire ma cour, si ce n'est pendant quelques instants; mais ses bontés m'ont pénétré de reconnaissance. On dit qu'il doit voir V. M. en passant à Magdebourg; qu'il aura de choses à lui dire de tout ce qu'il a vu, et quelle matière de réflexions pour V. M., moitié tristes, moitié plaisantes, mais toujours très-philosophiques, et telles, en un mot, qu'elle les sait faire!

Je suis avec le plus profond respect et le plus géométrique dévouement, etc.


b Voltaire écrit à d'Alembert, de Ferney, le 8 avril 1771 : « Je n'entendrai jamais rien dans les champs Élysées, où je compte bien aller, qui vaille votre Dialogue entre Des Cartes et Christine. Je ne sais rien de plus beau que votre éloge du roi de Prusse. Il ne vous avouera pas tout le plaisir qu'il aura eu d'être si bien peint par vous dans l'Académie des sciences; mais il le sentira de toutes les puissances de son âme. Non, personne n'a rendu la philosophie et la littérature plus respectables. » Voyez les Œuvres de Voltaire, édit. Beuchot, t. LXVII, p. 123.