<587>cœur que les hommes éclairés les méprisent, et il faut avouer que les hommes éclairés ont grand tort à cet égard. Nous vivons encore un peu de notre ancienne réputation littéraire; mais cette vie précaire ne durera pas longtemps, et nous finirons par être à tous égards la fable de l'Europe. C'est dommage, car nous étions faits pour être aimables.

V. M. ne veut donc pas encore donner à la Sorbonne, ou lui procurer au moins, par l'entremise de Mustapha, la petite mortification de voir rebâtir ce temple qu'elle serait un peu embarrassée de retrouver debout. Je me soumets à tout pour la plus grande gloire de notre sainte religion, qui est pourtant plus intolérante et plus persécutrice que jamais. Dieu merci, je ne verrai pas encore longtemps ces maux; des insomnies presque continuelles m'annoncent une disposition inflammatoire qui se terminera vraisemblablement par me faire prendre congé de ce meilleur des mondes possibles. Je me consolerai sans peine, si le fatum daigne ajouter aux jours précieux de V. M. ce qu'il paraît vouloir retrancher aux jours très-inutiles du plus sincère, du plus reconnaissant et du plus dévoué de ses admirateurs. C'est avec ces sentiments et avec le plus profond respect que je serai toute ma vie, etc.

123. A D'ALEMBERT.

Le 4 décembre 1772.

Vous nous faites trop d'honneur, et à la Baltique, et à moi, de vous intéresser à notre sort; toutefois je sais bien, nonobstant notre union, que je n'aurais pas envie de consommer mon mariage au fond de cette mer, ni de m'y promener beaucoup comme le doge de Venise. Le climat de ces parages est rude, et le voisinage tient un peu de vos Iroquois, à présent assujettis aux Anglais. Je ne sais ce que feront ces autres barbares, habitants de Byzance, et si ma péroraison fera plus d'impression sur eux