219. DE L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.

Dresde, 17 février 1779.



Sire,

Il y a bien longtemps que je me suis refusé la satisfaction de répondre à la dernière lettre que V. M. m'a fait l'honneur de m'écrire. Je vous voyais entouré d'une famille intéressante et aimable, avec une sœur chérie au plus juste titre. Il eût été indiscret de dérober quelques-uns de vos précieux instants aux épanchements d'une amitié si respectable. Je m'aperçois avec chagrin que je me suis assez mal exprimée en dernier lieu pour laisser prendre le change à V. M. sur le sentiment qui conduit ma plume. Ce n'est point assurément votre panégyrique que je prétends faire; l'histoire le fera un jour en narrant simplement ce que vous êtes et ce que vous fîtes; heureuse si elle peut tout recueillir! Pour moi, Sire, je ne m'élève pas si haut; j'use de l'indulgence que vous m'accordez, et je me laisse aller aux mouvements de mon cœur sans aucun raffinement. C'est lui qui parle quand je vous paye un tribut de reconnaissance et d'admiration qui ne peut être dû qu'à V. M. Je compare notre félicité actuelle <320>aux maux que la guerre fait encore éprouver à d'autres contrées; je rends grâce aux auteurs de notre bonheur. Il est glorieux pour l'humanité et pour notre siècle que tant de grands souverains se soient réunis pour nous procurer la paix, lorsqu'il n'eût tenu qu'à eux de se livrer à l'esprit de conquête. Mais en leur rendant hommage, je ne puis méconnaître le génie qui a tout conduit, et qui, désirant la paix, a su en sacrifier les douceurs pour ne la rendre qu'au moment où elle redevenait un bien. Puissiez-vous, Sire, répandre au loin votre bénigne influence, et achever de pacifier notre globe! J'ai toujours peur que ce grand nombre de coups de canon qu'on se propose de tirer sur l'Océan ne retentisse enfin sur la terre ferme.

La pauvre princesse Gallean est bien à plaindre de ce qu'à Munich on connaît si peu ses véritables amis. La mort d'une fille qu'elle aimait beaucoup, et qui le méritait bien, achève de la désoler; peut-être ce surcroît d'affliction fléchira-t-il l'Électeur en sa faveur. Mais, quoi qu'il en arrive, l'intérêt qu'un si grand roi a daigné prendre à son sort sera toujours pour elle un puissant motif de consolation.

Le duc de Deux-Ponts ne saurait assez se féliciter de la protection de V. M. Je n'ai aucune connaissance de ses affaires, mais ma fille m'est chère. Cela suffit pour remercier V. M. du meilleur de mon âme, et pour la supplier de conserver ses bontés à une maison où ma fille est entrée.

Recevez, Sire, les assurances de la haute admiration et des sentiments profonds et inaltérables avec lesquels je suis, etc.