<146>contre toutes les faiblesses et les vices de l'humanité qui pouvaient les induire à prévariquer; mais il ne suffit pas toujours d'avertir, il faut quelquefois des exemples de sévérité pour contenir un si grand nombre de conseillers dans leur devoir. Les souverains sont originairement les juges de l'État;c la multitude d'affaires les a obligés de se décharger de cet emploi sur des personnes auxquelles ils confient la partie de la législation; toutefois ils ne doivent pas négliger cette partie de l'administration jusqu'à tolérer qu'on abuse de leur nom et de leur autorité pour commettre des injustices. Voilà la raison qui m'oblige à surveiller ceux qui sont chargés de rendre la justice, parce qu'un juge inique est pire qu'un voleur de grands chemins. Assurer leurs possessions à tous les citoyens, et les rendre heureux autant que le comprometa la nature humaine, sont les devoirs de tous ceux qui se trouvent à la tête des sociétés, et je tâche de les remplir de mon mieux; sans cela, à quoi me servirait d'avoir lu Platon, Aristote, les lois de Lycurgue et celles de Solon? Pratiquer les bonnes leçons des philosophes, c'est la véritable philosophie; vous en donnerez aux siècles futurs, et vos leçons, qui germeront dans les têtes de la postérité, formeront à leur tour des hommes qui tâcheront d'être les bienfaiteurs de leurs semblables. Sur ce, etc.

217. DE D'ALEMBERT.

Paris, 14 avril 1780.



Sire,

Je ne puis répéter trop souvent et avec trop de plaisir à Votre Majesté que ses lettres sont la meilleure réponse à ceux qui voudraient croire les bruits qu'on a répandus sur sa santé. Celle qu'elle m'a fait l'honneur de m'écrire du 26 mars est de la gaîté


c Voyez t. VIII, p. 71, 189 et 190.

a II faut probablement lire comporte. La traduction allemande des Œuvres posthumes, t. XI, p. 263, porte : als es die Natur des Menschen gestattet.