<164>d'être venus au monde dans le bon temps, où nous avons été les contemporains des talents et du génie cultivés. Quant aux prêtres, ils seront incorrigibles jusqu'à ce qu'on en ait extirpé la race. J'espère d'apprendre de meilleures nouvelles de votre santé. Sur ce, etc

225. DE D'ALEMBERT.

Paris, 3 novembre 1780.



Sire,

Il y a aujourd'hui 3 novembre vingt années, jour pour jour, que V. M. se couvrait de gloire dans les plaines de Torgau, en arrachant aux Autrichiens la victoire qu'ils se flattaient déjà d'avoir remportée. V. M. a depuis ajouté à cette gloire celle d'être le pacificateur et le vengeur de l'Allemagne, d'être dans ses propres États le réformateur de la justice, et dans l'Europe le modèle des guerriers et des rois. Qu'il y a de distance, Sire, comme le dit Térence, entre un homme et un autre!a et que je le sens bien tristement pour moi quand je me rapproche de V. M., car je n'ose dire quand je m'y compare! Le peu de force que j'avais encore il y a vingt ans dans mes facultés corporelles, intellectuelles et morales, s'est presque entièrement évanouie; il ne me reste d'énergie que dans le sentiment profond qui m'attache à V. M., tandis qu'elle conserve encore dans toute leur vigueur les rares qualités qui l'ont rendue si respectable à l'Europe depuis quarante ans qu'elle occupe le trône. Elle a même conservé sa gaîté, comme je le vois avec enchantement par la dernière lettre qu'elle me fait l'honneur de m'écrire; elle rit, et avec raison, des sottises des hommes, dont je ferais bien de rire aussi, et dont je rirais comme elle, si je digérais et si je dormais mieux. Le travail, et le plaisir que j'y éprouvais, me soutenait jadis, et me tenait lieu de tout; aujourd'hui qu'une heure d'application me fatigue, je n'ai plus cette ressource, et la tristesse s'empare de moi. Je


a Voyez t. XXIV, p. 693.