<181>parce que le prince n'avait pas eu assez de foi. Notez que cette farce s'est jouée dans ce siècle philosophique, dans ce dix-huitième siècle où l'on dit que la raison s'est perfectionnée. Pauvres humains que nous sommes! Il paraît que la nature ne nous a mis au monde que pour croire et que pour faire des sottises. Et nous nous enorgueillissons encore! Je voudrais qu'avec des messes dites sur le ventre on pût vous rendre la santé et la vigueur; mais comme cette charlatanerie répugne à tout philosophe, il faudra vous borner au régime, qui est plus efficace que les messes. Je souhaite de tout mon cœur d'apprendre que votre santé est meilleure, et que vous êtes en état de travailler comme autrefois.

Sur ce, etc.

233. DE D'ALEMBERT.

Paris, 11 mai 1781, anniversaire de la bataille de Fontenoi,
dix ans avant le traité de Versailles. a



Sire,

Votre Majesté prétend, dans la dernière lettre dont elle a bien voulu m'honorer, que nous faisons chaque jour des pertes, elle et moi, et que nous envoyons notre gros bagage prendre les devants, assurés de le suivre dans peu. Cela n'est que trop vrai de mon frêle individu; mais permettez-moi, Sire, pour ce qui vous regarde, de n'être pas là-dessus de l'avis de V. M. Je crois au contraire, à en juger par ses lettres, qu'elle se fortifie et rajeunit tous les jours, tant ces lettres sont pleines de gaîté et d'excellente plaisanterie. Tout ce que V. M. me fait l'honneur de m'écrire sur la querelle des ministres est du meilleur ton et du meilleur goût, digne de la cause soumise par eux à la décision de V. M., et digne de la sagesse d'un grand roi. Hélas! Sire (et c'est la réflexion de tous ceux à qui j'ai lu cet endroit de votre lettre), pourquoi les autres souverains n'ont-ils pas eu et n'ont-ils pas encore le même dédain que vous pour ces billevesées? Combien


a Voyez t. III, p. 109-111, et t. IV, p. 38.