<207>petit pied, ils perdront les avantages du faux zèle, et deviendront tolérants, n'ayant plus rien à gagner par leurs persécutions. Voilà jusqu'où me mène mon calcul des probabilités. Croire que tous les hommes seront sans erreurs, qu'ils deviendront tous philosophes, cela est impossible par les raisons que j'en ai alléguées plus haut; mais si on les peut rendre tolérants en détruisant le fanatisme, c'est tout ce à quoi l'on pourra parvenir. Laissons donc aller le monde comme il va; contentons-nous de pouvoir penser librement.

Il dépendra de vous de m'envoyer ce M. Dubois. Il me suffit de votre témoignage, et je m'en rapporte à vous. Quand je lui aurai parlé, je vous en dirai naturellement mon sentiment. Toutefois je sais bien que ce ne sera pas en Pologne où il se sera formé le cœur et l'esprit. Je vous félicite de la naissance du Dauphin; je lui souhaite la sagesse de Marc-Aurèle, l'humanité de César, la bonté de Tite et l'esprit de Julien; car il ne faut souhaiter à un monarque français pas moins que des qualités impériales. Et pour vous, je vous souhaite santé et contentement, car vous possédez tout le reste, et je ne puis rien désirer pour vous des dons de la nature dont elle ne vous ait enrichi depuis longtemps. Sur ce, etc.

246. DE D'ALEMBERT.

Paris, 14 décembre 1781.



Sire,

Une indisposition assez douloureuse, qui m'a fait craindre un commencement de néphrétique, ou néfrétique, et qui n'est cessée que d'hier, m'empêche depuis huit jours d'avoir l'honneur d'écrire à V. M.; et ce n'est pas le moindre mal que cette indisposition m'ait fait éprouver. Je commence aujourd'hui par répondre à la dernière des deux lettres dont V. M. m'a honoré à peu de distance l'une de l'autre. Quelque accoutumé que je sois,