<213>n'est pas beaucoup plus vraisemblable que de lui donner un commencement? Quel chaos que ce système : vouloir ressusciter les tourbillons de Des Cartes, et les assimiler très-gauchement au système de Newton! S'il est encore quelque place ouverte dans les Petites-Maisons de Paris, logez-y votre philosophe au plus vite; ce sera là un trône pour lui. Celui qui veut lutter contre Newton doit être armé de toutes pièces et bien assuré dans ses arçons; mais votre héros français, au moindre petit coup de lance, serait étendu sur le carreau. Croyez-moi, tenons-nous-en à l'expérience; que la raison dirige la partie philosophique, et que l'imagination ne déborde point la sphère de la poésie. Cet ouvrage m'a mis de très-mauvaise humeur; mais j'ai voulu décharger mon chagrin dans votre sein, pour m'alléger tant soit peu. J'avais déjà la goutte, le rhumatisme, une ébullition et la fièvre, et ces folies que vous m'avez envoyées avaient presque achevé de m'accabler. Une mauvaise dialectique est la plus mortelle de toutes les maladies, quand elle entre dans un cerveau qui regimbe contre la déraison. Pour l'amour de Dieu, si vos Français enfantent de pareilles balivernes, ne m'en accablez point. Laissez-moi partir tranquillement de ce monde-ci, sans m'en dégoûter par les plates absurdités d'auteurs qui pensent être philosophes, et qui ne sont que des visionnaires entêtés de leurs folles illusions.

Sur ce, etc.

249. DE D'ALEMBERT.

Paris, 1er mars 1782.



Sire,

Depuis la dernière lettre dont Votre Majesté m'a honoré, j'ai eu des inquiétudes, bien ou mal fondées, mais toujours très-grandes pour moi, sur sa santé. On m'écrivait d'Allemagne qu'elle n'était pas bonne, que du moins elle avait souffert quelques altérations pendant le rude hiver qu'on dit avoir régné dans le Nord. Heu-