<232>pouvait s'attendre. L'Empereur continue ses sécularisations sans interruption; il paraît que les couvents riches ont la préférence sur les mendiants; on ne touche pas à ces derniers, dont le bien public exigerait la réforme préférablement aux premiers. Je doute fort qu'en France on imite l'auguste César germanique, à moins que votre contrôleur général n'ait épuisé toutes les ressources de son industrie pour procurer des fonds au gouvernement. Chez nous, chacun reste comme il est, et je respecte le droit des possessions, sur lequel toute société est fondée.

On nous a annoncé ici la disgrâce de M. de Grasse; il a marqué beaucoup de valeur dans ce combat qui lui a si mal réussi. Il paraît que la marine anglaise a une grande supériorité dans la manœuvre sur celle des Français. C'est faute d'exercice et d'expérience de la part de vos compatriotes; ce sont des choses où ils pourront parvenir à se perfectionner, si on les encourage à l'application, et qu'on leur donne plus d'emploi en temps de paix. Je vois avec plaisir que vous avez été content du grand-duc et de la visite qu'il vous a rendue. Ce prince possède de grandes et bonnes qualités; il est un peu grave, cela tient à son caractère; mais le fond en est excellent.

L'abbé Raynal est encore à Berlin; il y amasse des matériaux pour écrire l'histoire de la révocation de l'édit de Nantes. Cet ouvrage paraîtra trop tard; il fallait, en 1680, remontrer à Louis XIV le tort infini que ressentirait son royaume de l'expulsion d'un nombre prodigieux d'habitants qui transporteraient leur industrie dans toutes les parties de l'Europe. A présent les Fiançais le sentent, quand il est trop tard pour y remédier. Je crois vous avoir remercié dans mes lettres précédentes de l'ouvrage sur le collége de Louis le Grand que vous m'avez envoyé. Je vous annonce un ouvrage nouveau sur .... Jusqu'à quand aura-t-on la bêtise d'écrire des billevesées de cette espèce? Je m'en tiens aux lois générales et permanentes auxquelles tous les éléments obéissent; c'en est bien assez. Vivez, mon cher d'Alembert, pour l'honneur de la philosophie, et donnez-moi quelquefois de vos nouvelles.

Sur ce, etc.