<271>Cela s'appelle une vraie querelle d'Allemand. Vous devez vous souvenir que, en nous séparant à Wésel, vous me promîtes de me donner de vos nouvelles (et de celles de mes affaires) immédiatement après votre arrivée. Depuis ce temps, j'attends tous les jours de vos lettres; elles ne viennent point, et mes affaires sont toujours au même état; cela finira quand vous voudrez. Ce n'est qu'avec une extrême répugnance que je vous en parle, mais je suis endetté de cent louis avec mes libraires; ma pension n'est pas payée;c je peux mourir subitement, et je ne voudrais pas faire banqueroute en mourant, même à des libraires. Il en sera ce qu'il plaira à la destinée; je n'en parlerai plus à personne.

Vous auriez bien dû m'écrire au moins l'état où a été le Roi; ce n'est que par M. de Knyphausen que j'ai appris la chute qu'il a faite. Si vous avez occasion de lui parler de moi, je vous prie de mettre à ses pieds mon profond respect et mon attachement pour sa personne, que rien ne pourra jamais changer. Je vous embrasse de tout mon cœur. Vale et me ama.

Mille compliments au marquis d'Argens. J'aurais grande envie de le voir à Potsdam, ainsi que vous; mais il faut le pouvoir.

2. LE MÊME AU MÊME.

Paris, 10 décembre 1755.

J'ai reçu, mon cher abbé, votre lettre, et j'ai déjà louché en conséquence les six premiers mois de la seconde année qui viennent d'échoir le 1er du courant; on ne peut être plus reconnaissant que je le suis des bontés du Roi, et plus décidé à lui tenir le plus tôt qu'il me sera possible la parole que je lui ai donnée. Ce pourrait bien être dès l'année prochaine, s'il n'y a point de guerre, et que le sixième volume de l'Encyclopédie soit assez tôt fini, comme je l'espère. Vous ne m'avez point mandé si le Roi avait lu l'Éloge de M. de Montesquieu, et s'il était content de la manière dont j'y parle de lui;a s'il


c L. c, p. 57 et 287, et t. XXIV, p. 406.

a D'Alembert dit dans son Éloge de M. de Montesquieu : « Après avoir parcouru l'Italie (1728), M. de Montesquieu vint en Suisse. Il examina soigneusement les vastes pays arrosés par le Rhin, et il ne lui resta plus rien à voir en Allemagne, car Frédéric ne régnait pas encore. »