<34>On nous annonce de grandes réformes dans l'état militaire, et surtout dans la maison du Roi, qui était jusqu'ici un objet de grande dépense, sans aucune utilité. Les intéressés, qui sont en grand nombre, jettent déjà les hauts cris; mais la nation bénit le prince et son ministre.

Recevez, Sire, avec votre bonté ordinaire les vœux que je lais pour V. M. dans l'année qui va commencer. Puisse-t-elle y en ajouter encore beaucoup d'autres, et recevoir longtemps l'hommage des sentiments de respect, de reconnaissance et d'admiration avec lesquels je suis, etc.

166. A D'ALEMBERT.

Le 30 décembre 1775.

Je vous avoue que je ne suis pas aussi grand stoïcien que Posidonius. Si Zénon d'Élée avait eu comme moi quatorze accès consécutifs de goutte, je ne sais s'il n'aurait pas confessé que la goutte est un mal très-réel. Que le corps soit l'étui de l'âme, ou qu'il en constitue la machine organique, il n'en est pas moins certain que la matière influe prodigieusement sur la pensée, et que ses souffrances, à la longue, attristent et abattent l'esprit. La nature nous a faits des êtres sensibles, et le Portique, par des raisonnements alambiqués, ne saurait nous rendre impassibles, à moins que de substituer d'autres êtres en notre place. J'ai eu des douleurs très-vives; et quoique mon mal n'ait pas été dangereux, sa durée a fait croire que j'enfilerais la route qui aboutit au gouffre du néant. Mais mon heure n'était pas arrivée, et je respire encore pour honorer les lettres, et pour applaudir à ceux qui, comme un certain Anaxagoras, s'y distinguent par leur éclat. Si ce sage vient ici, sa présence achèvera de me débarrasser des restes de mes infirmités, et nous nous entretiendrons ensemble de votre roi, de ses bonnes qualités, du gouvernement des phi-