<348>de M. le baron de Goltza à Fontainebleau ne lui permettra pas peut-être de savoir assez tôt la mort de M. d'Alembert pour mander cet événement par ce courrier. Cet homme, célèbre surtout par les bontés et les bienfaits dont V. M. l'a honoré pendant trente ans, a terminé sa carrière le 29, à sept heures du matin. La vie n'était plus pour lui un bien désirable. Ses infirmités s'étaient aggravées à un point alarmant par des inquiétudes et par les craintes de son imagination. Se croyant menacé à chaque instant, son tempérament naturellement frêle ne put résister longtemps à cet état violent, et le marasme qui s'ensuivit fut autant l'ouvrage de sa pusillanimité que de ses maux. Il ne cachait point à ceux qui l'exhortaient à leur opposer un peu de courage qu'il n'en avait point; et il leur inspirait d'autant plus de compassion, qu'il leur enlevait tous les moyens de le consoler, et que cette extrême faiblesse l'avait aussi rendu irascible et emporté. Voilà comme le destin, en pinçant une de nos fibres, peut humilier notre orgueil philosophique, et nous remettre au niveau des enfants que nous regardons avec pitié. Trois grands géomètres se sont suivis en peu de temps, Bernoulli, Euler et d'Alembert, et l'Académie royale de Berlin a fait une triple perte. J'ignore à qui il écherra de faire l'Éloge de d'Alembert à l'Académie française; mais, qui que ce soit, les voûtes du Louvre retentiront, ce jour, des bienfaits et des bontés constantes de V. M. pour celui qui en a été l'objet pendant près de la moitié de sa vie.

Je suis avec le plus profond respect, etc.

12. AU BARON DE GRIMM.

Potsdam, 11 novembre 1783.

Vous pouvez bien croire que j'ai été fort touché de la mort de d'Alembert, d'autant plus que je l'ai cru atteint d'une maladie chronique, mais qui ne menaçait pas directement sa vie. Je doute


a Voyez t. V, p. 176; t. VI, p. 22 et 23; t. XXIV, p. 496; et ci-dessus, p. 156 et 157.