<380>n'ayant aucune connexion avec ces messieurs-là, nous sommes réduits à nous servir de nos semblables, qui demeurent toujours beaucoup en arrière dans la perfection. Sur ce, je prie Dieu, etc.

10. DU MARQUIS DE CONDORCET.

Paris, 11 novembre 1785.



Sire,

La bonté avec laquelle Votre Majesté a daigné accueillir quelques-uns de mes Éloges académiques m'enhardit à lui offrir ceux des savants morts pendant l'année 1782. Cette année a été funeste à l'Académie, et lui a enlevé la dixième partie de ses membres.

V. M. trouvera dans ces Éloges celui de Vaucanson,a qu'elle a voulu appeler à Berlin au commencement de son règne, et qui n'a dû qu'à cette marque de son estime la fortune dont il a joui depuis dans sa patrie; et c'est elle encore qui eut la bonté de nous avertir, quelque temps après, que M. d'Alembert était un homme de génie.b Nous aurons souvent besoin, et en plus d'un genre, des leçons de V. M.

Elle a trouvé un peu trop de familiarité dans les derniers Éloges de M. d'Alembert. Les plus grands écrivains sont exposés à tomber dans ce défaut lorsqu'ils vieillissent. Voltaire lui-même n'en a pas été exempt, surtout dans ses vers, et n'a pu le cacher dans sa prose qu'à force d'esprit et de grâces. Nous y sommes portés naturellement; nous ne l'évitons qu'en veillant continuellement sur nous-mêmes, et cette vigilance continue nous lasse et nous fatigue, lorsque nos organes commencent à perdre de leur force et de leur souplesse. J'espère avoir bientôt l'honneur de soumettre au jugement de V. M. le reste de la collection des Éloges de mon illustre ami; et j'ose me flatter qu'elle y trouvera un grand nombre de morceaux nobles ou piquants, dont la phi-


a Voyez t. XVI, p. 434; t. XXII, p. 14; et t. XXIV, p. 100.

b Voyez t. XX, p. 287, et t. XXIV, p. 406.