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24. DU COMTE DE MANTEUFFEL.

Berlin, 24 juillet 1736.



Monseigneur,

Je ne m'étais pas proposé d'importuner encore aujourd'hui Votre Altesse Royale; mais M. de Grumbkow venant de m'adresser la lettre qu'elle a daigné m'écrire le 17 du courant, je profite d'un petit quart d'heure qu'il me reste d'ici au départ de l'ordinaire pour vous embrasser les genoux, monseigneur, de ce que tous ces fruits de la paisible Bellone et de la foudroyante Thémis ne vous ont pas fait oublier votre fidèle Quinze-Vingt. Que les Polonais bénissent ou maudissent les Russiens et les Saxons, que V. A. R. pense tout ce qu'elle voudra du prétendu grand A...... et de Théodore de Corse, ce n'est pas ce qui m'inquiète. Je dirai, comme disait jadis, quoique d'une manière un peu différente, feu Canitz :

Bleibt Friedrich nur gesund, und hat sein Scepter Segen,
Was ist mir an A..... und Theodor gelegen?a

V. A. R. n'ignore pas que, dans la poésie, le futur est soin eut représenté comme présent.

V. A. R. me fait grand tort, s'il m'est permis de le dire, en disant que les batailles et les tranchées ne sont pas de mon système. J'aime naturellement tout ce qui sent le militaire, quand la raison, quand la sagesse y préside, et je suis très-persuadé que V. A. R. elle-même n'en pense pas autrement.

Trajan, Antonin le philosophe, les Vespasien, brillaient dans la guerre lorsqu'il y avait de la nécessité à la faire; mais ils trouvaient beaucoup plus glorieux d'être les délices du genre humain que d'en être les fléaux et les exterminateurs.

L'approche du départ de la poste m'empêche de m'étendre


a M. de Canitz dit dans sa sixième satire,

Vorzug des Landlebens

, 1692 :

Bleibt Friedrich nur gesund, und hat sein Scepter Segen,
Was ist mir an Namur und Pignerol gelegen?


      Voyez Des Freyherrn von Canitz Gedichte, ausgefertiget von J. U. König, seconde édition, Berlin et Leipzig, 1734, grand in-8, p. 259, v. 13 et 14.