<495>Ce que V. A. R. dit de Louis XIV pourrait trouver quelque contradiction, si on osait entrer dans le détail; car, quoique les intrigues du cabinet aient fort prévalu dans sa vieillesse, jamais prince n'a su l'art de régner comme celui-là. Mais, ayant perdu les Turenne, Condé, Luxembourg, Créqui et autres, et dans le civil les Tellier, Louvois et Colbert, cette perte a entraîné bien des mauvaises suites, auxquelles il n'a pu remédier seul; ce qui prouve que, quelque génie supérieur qu'un prince ait, il faut qu'il soit secondé par des gens capables; et quoiqu'on dise : Non déficit alter, cela est vrai pour la personne, mais pas pour le mérite. Peu de personnes peuvent se vanter de faire tout par eux-mêmes comme le Roi, selon ce que V. A. R. le remarque; et cela est d'autant plus rare, que peu de princes y ont pu atteindre. Et comme S. M. n'est sujette à aucune passion favorite, et est maître de ses mouvements, et sans aucune prévention pour quelque chose que ce puisse être, cela ferme naturellement l'entrée à tout ce que la flatterie peut avoir d'insinuant, et la calomnie de piquant.

Je joins ici les nouvelles de Paris et celles de Pétersbourg. Je finis par un bon mot du général de Borcke,a lequel, piqué de ce que le public était bien aise de la confusion où les affaires russiennes sont, dit : Hier ist Alles gut türkisch.

Je suis avec un respectueux attachement et inviolable, etc.

M. DE GRUMBKOW AU COMTE DE MANTEUFFEL.

Le 10 octobre 1736.

Voici la suite de ma correspondance avec Junior; malgré que je sois piqué de sa basse flatterie touchant le papa, son dernier billet m'inquiète; s'il ne sent pas l'ironie par rapport au papa, ce n'est pas ma faute.


a Le lieutenant-général Adrien-Bernard de Borcke fut nommé en 1728 ministre d'État, et en 1733 général d'infanterie. Il devint feld-maréchal en 1737, et comte le 28 juillet 1740. Il mourut en 1741.