<69>ses malheureux vassaux, que je serais très-fâché que cela fût. Mais il est vrai que plusieurs grands seigneurs sur lesquels il a des rentes ne jugent pas à propos de le payer, par exemple, monseigneur le duc de Bouillon, monseigneur le maréchal de Richelieu, et avant tout monseigneur le duc de Würtemberg. Il n'y a pas, dit-on, jusqu'à un fermier général qui ne se donne aussi les airs de faire banqueroute à ce pauvre vieillard, et de suivre les traces des Würtemberg, des Bouillon et des Richelieu. Oh! que V. M. a bien raison sur les maux de toute espèce dont est semée notre malheureuse carrière, et sur le bon sens de ces peuples d'Afrique qui pleuraient la naissance des enfants, et non pas leur mort! Tout ce que la philosophie peut nous dire pour nous consoler, c'est que ces maux finiront, et qu'il vaut mieux, comme on dit, tard que jamais. J'espère au moins, Sire, que mes maux ne finiront pas sans avoir été adoucis par le bien que j'espère, celui de faire encore une fois ma cour à V. M., et de lui renouveler tous les témoignages de la tendre vénération avec laquelle je serai jusqu'à la fin de ma vie, etc.

182. A D'ALEMBERT.

Le 7 mars 1777.

Les remèdes de l'âme opèrent lentement, mon cher Anaxagoras, à proportion de la violence du mal dont vous avez senti l'atteinte. Votre convalescence ne saurait être plus avancée qu'elle ne l'est. Il faut continuer à vous servir du tonique de la géométrie, auquel nous ajouterons l'exercice du voyage et la dissipation que des objets nouveaux et variés vous présenteront; et petit à petit nous rétablirons le calme dans votre âme, non pas au point d'effacer la mémoire précieuse de ce qui vous était si cher, mais bien jusqu'à vous rendre la vie plus supportable. Quand on est dans le bel âge, on répare la perte de ses amis par de nouvelles connaissances; ceux qui, comme nous, se sentent chargés du poids