<537>

22. DU COMTE DE ROTTEM BOURG.

Paris, 11 mai 1744.



Sire,

J'espère que Votre Majesté aura reçu ma dépêche du 4 de ce mois, avec les papiers et les plans qui y étaient joints : je me flatte que vous serez content, Sire, de ma conduite, qui a été la plus sage qu'il m'a été possible.

Le Roi est à l'armée, en Flandre; il est à Valenciennes. S. M. a été à Maubeuge et à Condé, pour visiter les fortifications. Ce prince se communique beaucoup, et on me mande qu'il entre dans tous les petits détails; il dîne et soupe avec du monde, et toute la France imagine que leur roi prendra autant de goût à la guerre qu'il en a eu jusqu'ici pour la chasse, ce dont toute cette nation est enchantée.592-a

Les troupes françaises sont assez belles dans leur espèce, depuis qu'on a retiré par bataillon cent vingt hommes qui étaient trop jeunes ou vilains, et qu'on a mis des miliciens bien faits à la place, ce qui rendra cette infanterie passable ou belle même, selon cette nation; et ces mêmes cent vingt hommes par bataillon, qui étaient trop jeunes, on les a mis dans les milices, où ils se formeront, et seront en état de porter les armes dans deux ans d'ici.

Les affaires du prince de Conti en Italie vont assez bien. On assure qu'il a pris Oneille, avec douze cents prisonniers. On croit qu'il pénétrera par cette prise dans le Piémont sans beaucoup de résistance.

J'ai fait partir des jambons de neige pour V. M. par le carrosse de Strasbourg et Francfort-sur-le-Main; ils sont adressés à Joyard, votre maître d'hôtel.592-b Je me flatte, Sire, qu'ils arriveront bons; je le souhaite de tout mon cœur, car ils sont excellents.

Je fais tout ce que je puis pour procurer à V. M. un homme qui puisse remplacer Pöllnitz. Jusqu'à présent je n'ai encore trouvé personne qui fût tel que vous le désirez; mais je tâcherai <538>d'en découvrir un qui soit aimable, de bonne humeur, homme de probité et de belles lettres; toutes ces qualités sont bien difficiles à trouver.

Je me suis donné toutes les peines du monde pour me lier avec de fameux négociants de Cadix et de Lisbonne. J'espère que je vous arrangerai un débit bon et solide de nos toiles de Silésie, ce qui nous procurera un grand gain et excellent commerce, surtout dans les circonstances présentes. Je finis ma lettre en vous renouvelant le profond respect avec lequel j'ai l'honneur d'être, etc.

P. S. Le 15 de ce mois, l'armée doit être jointe et campée, et Sa Majesté Très-Chrétienne commencera les opérations d'hostilité. J'attends les réponses de V. M. avec grande impatience, pour me mettre en roule, pour prendre congé du roi de France, que je trouverai à la tète de son armée, et pour vous rejoindre. Sire.


592-a Voyez t. III, p. 49 et suivantes.

592-b Voyez t. X, p. 114, et t. XIII, p. 98.