<154>

13. AU MÊME.

(1746.)



Mon cher frère,

Je vois par votre lettre que vous souhaitez que je m'explique envers vous sur les raisons de mécontentement que vous m'avez données. Vous savez avec quel soin j'ai recherché votre amitié; que je n'ai épargné ni caresses, ni ce qui se peut appeler des avances, pour gagner votre cœur. Vous savez que j'ai fait pour votre établissement tout ce que mes facultés me permettaient de faire. Mais, malgré cette cordialité et tout ce que mes procédés ont eu de plus affectueux, je n'ai pu gagner votre amitié. Vous avez eu de la confiance en moi lorsque l'histoirea de vos amours vous obligeait à recourir à moi, comme le seul capable de vous satisfaire; mais dans aucune autre occasion vous ne m'avez témoigné la moindre confiance. Au contraire, je n'ai vu dans votre conduite qu'une froideur extrême; vous n'avez pas vécu avec moi comme avec un frère, mais comme avec un inconnu. J'ai enfin perdu la patience, et j'ai moulé ma conduite sur la vôtre. Comment pouvez-vous prétendre que mon amitié s'échauffe, lorsque la vôtre est froide à glacer? J'ai été d'autant plus sensible au peu de retour que vous me témoignez, que les liens du sang ne m'attachent pas plus à vous que ceux de l'inclination. Vous ne pouvez pas condamner ma conduite sans condamner la vôtre; c'est un miroir qui vous représente fidèlement l'image de vos extrêmes froideurs. Il ne dépend que de vous de les faire cesser, et pour vous montrer que je ne demande que votre amitié et votre confiance, je fais volontiers un pas en avant, et je vous envoie les plans que vous me demandez, vous assurant que, malgré votre réserve et l'extrême éloignement que vous me témoignez, je sens que je suis votre frère, et que vous avez infiniment plus de part à mon cœur que je n'en ai au vôtre.


a Ce mot est presque illisible dans l'autographe.