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41. AU MÊME.

Grüssau, 10 août 1758.



Mon très-cher frère,

Je vous prie de me garder le secret le plus absolu sur tout ce que cette lettre comprend, qui n'est que pour votre direction seule.

Je marche demain contre les Russes. Comme les événements de la guerre peuvent produire toutes sortes d'accidents, et qu'il peut m'arriver facilement d'être tué, j'ai cru de mon devoir de vous mettre au fait de mes mesures, d'autant plus que vous êtes le tuteur de notre neveu, avec une autorité illimitée.

1o Si je suis tué, il faut sur-le-champ que toutes les armées prêtent le serment de fidélité à mon neveu.

2o Il faut continuer d'agir avec tant d'activité, que l'ennemi ne s'aperçoive d'aucun changement dans le commandement.

3o Voici le plan que j'ai actuellement : de battre les Russes à plate couture, s'il est possible; de renvoyer sur-le-champ Dohna contre les Suédois, et, pour moi, de retourner avec mon corps, soit contre la Lusace, si l'ennemi voulait pénétrer de ce côté-là, soit de rejoindre l'armée, et de détacher six ou sept mille hommes en Haute-Silésie, pour rechasser de Ville, qui l'infeste; pour vous, de vous laisser agir selon que l'occasion se présente, votre plus grande attention devant se porter sur les projets de l'ennemi, qu'il faut toujours déranger avant qu'il parvienne à les mettre à maturité.

Pour ce qui regarde les finances, je crois devoir vous informer que tous ces dérangements qui viennent d'arriver en dernier lieu, surtout ceux que je prévois encore, m'ont obligé d'accepter les subsides anglais, qui ne seront payables que dans le mois d'octobre.

Pour la politique, il est certain que si nous soutenons bien cette campagne, l'ennemi, las, fatigué et épuisé par la guerre, sera le premier à désirer la paix; je me flatte que l'on y parviendra pendant le cours de cet hiver. Voilà tout ce que je puis vous dire des affaires, en gros; quant au détail, ce sera à vous à vous