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132. AU MÊME.

Péterswaldau, 12 septembre 1762.

Je vais, mon cher frère, vous mettre sous les yeux un tableau général de la situation présente où nous nous trouvons. Il vous suffira d'y jeter un coup d'œil pour comprendre la raison du peu de projets que je puis former. Je crains que vous n'ayez eu raison de ne pas vous attendre à une diversion de la part des Turcs; les dernières lettres que j'ai reçues de Constantinople font évanouir le peu d'espérance qui me restait de ce côté-là. Cela m'oblige à renoncer au projet de la Moravie, parce que je ne pourrais pas m'y soutenir, à cause que les Autrichiens ont fait marcher sept mille Hongrois dans le pays de Teschen, et que, si je les laissais derrière moi, ils me couperaient les vivres, qu'il faudrait tirer de Cosel, sans compter qu'un autre corps ennemi se tiendrait dans les montagnes de Johannesberg; de sorte que, par deux corps différents, les munitions de bouche seraient harcelées. Pour éviter ce mal, il faudrait laisser un grand corps dans la Haute-Silésie, ce qui affaiblirait si fort l'armée principale, qu'elle ferait une misérable pointe, qu'elle ne pourrait s'y soutenir, et serait obligée de revenir sur ses pas hiverner en Haute-Silésie; or, la campagne précédente a si fort ruiné le pays, que le plus grand inconvénient qui m'arrête est celui de ne pouvoir faire subsister les troupes. Il faut donc de nécessité se retourner d'un autre côté.

Le siége de Schweidnitz sera, s'il plaît à Dieu, bientôt achevé; voilà un grand pas de fait vers la paix. Mais le comté de Glatz est un sujet de discorde qui pourrait la rompre, ou du moins la retarder. Ce comté est entouré d'ouvrages, toutes les gorges et entrées sont fortifiées jusqu'aux dents; et quand même nous pourrions y entrer, le siége de Schweidnitz a consumé la plus grande partie de nos munitions, ce qui nous empêcherait également de reprendre la forteresse de Glatz. Toutefois, en reprenant Dresde, nous aurions un équivalent; et, pour ravoir cet électorat, on serait bien obligé de nous rendre et Glatz, et le pays de Clèves, et Gueldre. Voilà donc pourquoi je regarde la