<280>Je me rappelle d'avoir entendu au dôme de Berlin une musique d'église de la composition de Graun; je ne sais si c'est la même que vous avez fait exécuter à Charlottenbourg. Celle dont je parle est très-belle, et ne peut être comparée qu'au Stabat mater du Pergolèse, lequel me paraît un morceau de musique achevé. Cependant ceux qui ont écouté le Miséréré chanté à Rome préfèrent cette musique à toute autre; mais il faudrait être en Italie pour en juger. On avait écrit dans les gazettes que d'Alembert devait y aller pour recueillir sur les antiquités toutes les connaissances qu'il faut avoir, et qu'on ne peut acquérir que sur les lieux mêmes; il est très-certain que de tous les pays à voir, c'est celui qui mérite le plus d'être connu. Les monuments respectables, entourés par les habitants d'aujourd'hui, forment un contraste qui donne lieu à bien des réflexions pour une âme pensante; la beauté du pays, le théâtre des guerres anciennes et modernes, forme encore un tableau sur lequel l'imagination peut travailler. Ce pays réunit des beautés et des curiosités qu'on ne trouve dans aucun autre, et, par tant d'endroits, mérite bien la curiosité qui attire les voyageurs.

Mais j'abuse de votre patience par mes raisonnements frivoles; je vous supplie de les agréer en faveur du sentiment qui les accompagne : c'est celui du tendre attachement avec lequel je ne cesserai d'être, etc.

161. AU PRINCE HENRI.

Potsdam, 23 juillet 1763.



Mon cher frère,

Je viens d'achever, grâce au ciel, tout mon ouvrage de finances, après quatre grands mois de travail; à présent l'ordre est remis partout, et les choses commencent à reprendre leur train ordinaire. J'ai presque pris une aversion pour les calculs et pour les comptes, après les désagréables détails qu'il a fallu revoir. J'ai-