<301>des lumières plus généralement qu'en demeurant dans les grands in-folio, que le prix empêche bien des personnes de pouvoir acheter. Je suis persuadé que la mauvaise conduite de la plupart des hommes vient moins d'un principe de méchanceté que d'une suite de mauvais raisonnements; et je crois par conséquent que si on pouvait leur apprendre à raisonner d'une façon plus juste et plus conséquente, leurs actions s'en ressentiraient d'une manière avantageuse. Mais, mon cher frère, c'est une entreprise qui surpasse mes forces, une idée théorique qui m'a occupé souvent, et dont l'exécution ne se réalisera probablement que lorsqu'on établira la belle république que Platon avait imaginée.b

Le temps commence à se remettre un peu au beau. Il a fait un froid, ces jours passés, à engourdir les plus intrépides raisonneurs. L'espérance que vous me donnez de vous voir me cause toujours un plaisir sensible; j'espère que vous en êtes bien persuadé, mon cher frère. Je m'en remets à votre commodité pour le temps et le jour, en vous assurant de la tendresse infinie avec laquelle je suis, etc.

184. AU MÊME.

Potsdam, 27 (avril 1764).



Mon cher frère,

Je suis bien aise que vous approuviez l'idée que j'ai de faire faire une édition des endroits philosophiques de Bayle. Comme l'édition se fera in-octavo, tout le monde pourra l'acheter, et par conséquent les choses qui y sont deviendront comme une monnaie courante qui se répand partout dans le public. Vous avez grande raison de dire, mon cher frère, qu'on ne fera pas de grands progrès dans la métaphysique; c'est une région où il faudrait voler, et nous manquons d'ailes. Notre raisonnement ne suffit certainement pas pour découvrir des vérités que la nature


b Voyez t. XXIV, p. 123, 124 et 125.