<312>de vous assurer de vive voix de la tendresse infinie et de la haute estime avec laquelle je suis, etc.

196. AU MÊME.

Le 3 décembre 1768.



Mon cher frère,

Vous voyez, mon cher frère, que souvent les apparences sont bien trompeuses. Nous sommes dans une grande crise, où il faudra du bonheur pour en bien sortir. La nouvelle de la guerre a surpris et consterné les Russes, parce qu'ils ne s'y attendaient pas du tout; jamais ils n'ont tenu un langage plus poli qu'à présent. Toutefois ils exigent beaucoup, et je suis très-résolu à ne point m'embarquer dans une guerre qui ne nous regarde pas, et dont le fruit serait pour un autre. Cependant les courriers vont et viennent, les négociations s'échauffent, et je crois qu'il n'y aura que les marchands d'encre et de papier qui y gagneront. Les Polonais commencent à ouvrir les yeux sur le précipice qui s'ouvre pour eux; ils sont sûrs de voir leur pays dévasté par les deux partis, qui se disent leurs amis. Je leur dis, pour les consoler, qu'ils avaient été spectateurs tranquilles de la dernière guerre, et qu'à présent leurs voisins se trouvaient à leur tour les bras croisés.

Je vous renvoie, mon cher frère, la lettre du sieur Bramcamp.a Il m'a demandé la même chose, et je lui ai répondu que la coutume n'était pas contraire à ce que l'on eût en d'autres pays des résidents ou consuls de commerce, mais que les envoyés, on ne les employait que réciproquement; et comme le roi de Portugal n'a pas témoigné d'en vouloir envoyer à Berlin, il serait ridicule d'avoir un ministre à sa cour. Ces bons Hollandais ne pensent qu'à leurs petits intérêts de famille, et ils ne


a Négociant d'Amsterdam. Sa collection de tableaux avait attiré en 1755 l'attention de Frédéric, qui voyageait alors incognito en Hollande, en se faisant passer pour un musicien du roi de Pologne.