<342>pas de durée. La cause existant de même de leur mésintelligence, il ne faudra attendre que le moment où l'une ou l'autre nation aura plus d'humeur qu'à l'ordinaire; et si je connais bien les Anglais, je présume que ce seront eux qui s'impatienteront les premiers. Pour nous autres, nous nous défendons contre la famine domestique et la peste étrangère; pour la dernière, on y a bien pourvu par les cordons qu'on a tirés tout du long de la frontière, et pour la famine, en ouvrant les magasins et faisant face à la disette, qui est générale en Allemagne, en France, comme en Italie. Cela n'est guère réjouissant; mais il faut bien espérer de l'année qui vient, car en tout le bien et le mal est mêlé sur ce malheureux globe. Je vous embrasse mille fois, en vous assurant de la tendresse infinie et de l'estime avec laquelle je suis, etc.

224. AU MÊME.

Potsdam, 16 décembre 1770.



Mon très-cher frère,

Les Autrichiens disent que les Russes se moquent d'eux, et qu'ils n'ont pas envie de faire la paix, mais bien de donner lieu à une guerre générale. Vous aurez reçu à présent, mon cher frère, mon courrier touchant les Turcs, par où tout s'éclaircira; car ils promettent de relâcher Obreskoff sitôt qu'on aura des sûretés que les Russes veulent faire la paix. Je sais que ces gens sont très-lents dans leurs résolutions; mais s'ils voulaient sincèrement la paix, comptez, mon cher frère, qu'ils s'empresseraient davantage pour en poser les fondements. La fortune les éblouit, et s'il ne tenait qu'à eux, l'Europe serait bientôt en feu. Je comprends qu'il faut, dans le pays où vous êtes, bien des complaisances et bien du manége. Voilà encore ce voyage de Moscou qui retardera la négociation. On verra venir le printemps, et l'on dira qu'on ne peut se dispenser de continuer la guerre. Je crains bien que cela en viendra là, et qu'on me traira comme une vache à