<482>inconnu se trouve-t-il habité par des anges, ou par ce sage idéal des stoïciens, ou par quelque nature supérieure à notre espèce, et là il se pourra que la religion et la morale fassent plus d'effet sur les mœurs de ces habitants que ces mêmes choses n'en opèrent dans notre monde. Le parti le plus raisonnable est de nous prendre comme nous sommes, et de dire avec l'ange Ituriel : Si tout n'est pas bien, tout est passable.a

Je suis bien aise d'apprendre, mon cher frère, que vous venez cet hiver à Berlin. Au moins souvenez-vous qu'il y aura deux ans que je n'ai pas eu le plaisir de vous voir; c'est un siècle pour un homme de mon âge. J'espère ainsi que je pourrai dans peu vous assurer de vive voix de la tendresse infinie et de la haute estime avec laquelle je suis, etc.

367. AU MÊME.

Le 7 décembre 1781.



Mon très-cher frère,

Vous avez la bonté de prendre part à la situation où je me trouve; cependant, mon cher frère, je n'ai pas à me plaindre, car il faut bien s'attendre qu'une vieille machine qui a duré soixante-dix ans s'use à la fin. Quand on a tout vu, quand on a talé de tout dans le monde, on peut se préparer à le quitter sans regret. On y perd, en vérité, peu de chose; c'est la jeunesse qui peut être attachée à la vie. parce que tout lui rit, parce que son inexpérience lui peint tout en beau, et qu'elle croit être portée, sur les ailes de la fortune, au comble de ses désirs. Mais bientôt la vérité dissipe ces illusions, elle détrompe l'heureux par sa propre expérience, et, au lieu de ces félicités imaginaires, elle lui démontre le néant des vanités humaines. Alors viennent les réflexions. Si nous examinons notre durée, c'est moins qu'un clin d'œil, en la comparant à l'éternité. Si nous voulons compa-


a Voyez t. XXIII, p. 101 et 322; t. XXIV, p. 298, 299 et 701.