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13. DU PRINCE DE PRUSSE.

Berlin, 13 février 1747.



Mon très-cher frère,

Comme les gazettes ne produisent point de fait sur lequel on puisse trouver des matières au raisonnement, je me bornerai, mon très-cher frère, à vous rendre la lecture de cette lettre le moins ennuyeuse qu'il me sera possible, en vous donnant une idée de la vie que je mène présentement. Les matins sont consacrés à la lecture, les dîners aux bons amis, les après-dînées au dessin et aux lectures amusantes, et les soirées pour faire la cour à la Reine-mère. Les cours, comédies et assemblées sont les seuls restes des beautés du carnaval; j'en profite en commémoration du passé. Voilà, mon très-cher frère, un court et vrai récit de ma façon de vivre. Fâché de ne pouvoir vous donner des nouvelles amusantes, et l'ennui que vous causeraient les compliments me les fait omettre, mais mon cœur, rempli de vénération, m'oblige de vous prier d'être persuadé que de ma vie et de mes jours je ne cesserai d'être avec le respect le plus profond, etc.

14. AU PRINCE DE PRUSSE.

(Potsdam) ce 20 (février 1747).



Mon cher frère,

La fièvre m'a empêché de vous écrire ce matin; mais comme elle est passée à présent, j'en profite pour vous adresser ces vers que Voltaire fit pour Henri IV, prince que je puis vous comparer d'autant mieux, qu'il avait toutes vos qualités; il était aussi brave, aussi vertueux, et aussi .... que vous.

Ce héros vertueux se cachait à lui-même
Que la mort de son roi lui donne un diadème.a


a Henriade, chant V, v. 349 et 350.