<34>cas je pourrais peut-être bien encore y aller, restant paisiblement, en attendant, ici, où je me passe le temps le plus doucement qu'il m'est possible. Je lis et écris comme un forçat, et j'ai musique pour quatre. J'ai avancé dans la composition jusqu'à faire une symphonie. Dès qu'elle sera toute achevée, je prendrai la liberté de vous l'envoyer. Il n'y a pas un chat à fouetter ici, ni de nouvelles qui soient dignes de vous être apprises. Je me mets aussi dans le jardinage, et j'ai commencé à me faire un jardin; la maison de plaisance est en forme de temple, consistant en huit colonnes doriques qui soutiennent un dôme, au-dessus duquel est la statue d'Apollon. Dès qu'il sera achevé, nous y ferons nos sacrifices, et vous comprenez bien, ma très-chère sœur, qu'ils vous auront pour objet, comme protectrice des beaux-arts. Recevez-les, je vous conjure, n'étant que de faibles marques de la tendre amitié et de la haute considération avec laquelle je suis toute ma vie, ma très-chère sœur, etc.

33. A LA MÊME.

Ruppin, 8 septembre 1735.



Ma très-chère sœur,

J'ai reçu avec bien du plaisir votre dernière que vous m'avez fait le plaisir de m'écrire, et j'aurais répondu plus tôt, si je n'avais été très-affligé de ce que le Roi ne veut pas me permettre d'aller en campagne. Je le lui ai demandé quatre fois, et lui ai rappelé la promesse qu'il m'en avait faite; mais point de nouvelle; il m'a dit qu'il avait des raisons très-cachées qui l'en empêchaient. Je le crois, car je suis persuadé qu'il ne les sait pas lui-même. Pour me consoler, il veut m'envoyer faire un voyage en Prusse; c'est un peu plus honnête qu'en Sibérie, mais pas de beaucoup. Voilà où j'en suis, et ce qui me met fort de mauvaise humeur. Je suis comme Saturne, je ne déride plus mon front, et je suis mort pour la joie. Mais je crains de vous communiquer ma