<405>ne crains certainement pas cette racaille, mais les rivières et marais derrière lesquels ils se peuvent cacher. Je ne sais à quoi aboutira ma marche; mais si nous pouvons joindre les barbares, vous pouvez compter que personne ne les épargnera, et certainement tout le monde pense sur ce sujet comme moi.

J'en viens à présent à votre seconde lettre, ma chère sœur, et j'ose vous dire que, en philosophie, je n'ai pas l'honneur de penser comme vous. Je sais fort bien supporter un chagrin personnel, mais je succombe aux calamités publiques, et l'esprit des grands hommes n'est pas le mien. S'ils sont faits pour supporter les revers, et que la Providence prenne plaisir à les charger, cela ne me regarde pas. Le bon Dieu, selon vous, joue le rôle d'un habile muletier, qui donne le fardeau le plus pesant à porter au plus grand âne. Soit donc âne de la Providence qui voudra; pour moi, je ne demande que l'honneur d'être sa bourrique. Je vous jure que j'en ai tout mon soûl, et que s'il dépendait de moi de me confiner dans une retraite ignorée du monde, je m'y rendrais aujourd'hui. Pardonnez, chère sœur, si je ne vous en dis pas davantage; je suis comme une femme grosse qui approche de son terme; je sens les premières douleurs de l'enfantement, et je suis obligé de préparer tout pour des couches heureuses. Je vous embrasse de tout mon cœur, et vous prie de vous souvenir, mort ou vif, d'un frère qui vous aime.

P. S. Dans ce moment, on m'écrit de l'armée que le pauvre Ferdinand a pris une fièvre chaude.

19. A LA MÊME.

Schönberg (Schönfeld), 19 (septembre 1758).



Ma très-chère sœur,

Pardon si je me moque un peu de vos prophètes; en vérité, c'est ce que l'on peut faire de mieux. Voici bien des choses qu'ils n'ont