<60>Quantz est parti la semaine passée; je l'ai chargé d'une lettre pour vous, ma très-chère sœur; mais comme il s'arrêtera à Dresde, je crains que cette lettre ne vous parviendra pas sitôt.

Je plains, ma chère sœur, que la révolte s'est mise dans votre musique; cette race de gens est très-difficile à conduire; cela demande quelquefois plus de prudence que la conduite des États. Je sais ce qu'en vaut l'aune, et je m'attends dans peu à quelque nouvelle sédition parmi mes enfants d'Euterpe. J'ai lu, pour m'y préparer, la retraite du peuple romain sur le Mont Sacré, et j'étudie l'apologue de Ménénius Agrippa,a pour m'en servir, si l'occasion le requiert.

Nous comptons de partir dans peu pour Berlin. Dès que j'aurai pris langue, je vous mettrai au fait de tout, trop heureux de pouvoir vous rendre quelques services, tout petits qu'ils sont. Je suis avec un attachement parfait et une tendresse infinie, ma très-chère sœur, etc.

60. A LA MÊME.

Berlin, 20 janvier 1739.



Ma très-chère sœur,

La part que vous prenez aux chagrins que j'ai soufferts m'en console tout à fait. J'ai été pendant six semaines l'objet des plaisanteries amères du Roi et le souffre-douleur de sa colère. Il est bien inhumain de s'en prendre à des gens à qui la crainte et le respect ôtent la liberté de se défendre et de se plaindre. De tels discours sont empoisonnés par la dignité de celui qui parle, et par la maligne et flatteuse approbation de ceux qui écoutent, toujours plus empressés à faire les courtisans en condescendant au sentiment du maître qu'attachés à la franchise et à la vérité en défendant l'innocence faussement accusée. Un conflit de raisons différentes a causé l'irritation violente dans laquelle le Roi a été contre moi; j'ai parlé ferme à quelques personnes, j'ai écrit


a Voyez t. VIII, p. 147 et 294; t. IX, p. 17; et t. X, p. 190 et 191.