<78>vous me donnez dans votre dernière lettre. Je ne saurais vous dire combien j'y suis sensible. Elle a fait de tout temps tout le bonheur de ma vie, et le fait encore, et je défie tout le monde entier de vous être aussi attaché et dévoué que je le suis. Plût à Dieu que je pusse vous le prouver, fût-ce même aux dépens de mes jours! L'état du Roi me fait une peine extrême; la nature parle, et il m'a témoigné mille grâces en dernier lieu. J'aurais bien souhaité de le revoir encore avant sa fin; mais, cela ne se pouvant, il faut me résigner aux décrets de la Providence. C'est une consolation pour moi qu'il se soit ressouvenu de moi dans la triste situation où il se trouve. Je la crois telle, tant par rapport au corps qu'à l'esprit, qui souffrira bien de la dure nécessité de quitter ce monde; et, quoi qu'en disent les philosophes, c'est un pas qui coûte beaucoup. Dieu veuille l'assister et abréger ses souffrances, et soutenir la Reine, qui, malgré sa fermeté, sera bien accablée de cette rude épreuve! Pour moi, je m'accoutume à faire des réflexions sérieuses, et je trouve qu'on peut se vaincre en bien des choses dès qu'on se donne la peine de réfléchir; et si l'on ne peut entièrement vaincre ses passions, on les peut du moins retenir dans de justes bornes. Je me suis fait un système tout particulier là-dessus, que j'espère d'avoir un jour le plaisir de vous expliquer. Celui qui est le plus profondément gravé dans mon cœur est l'attachement sans égal que j'ai pour vous, mon très-cher frère, étant jusqu'au tombeau, avec toute la tendresse imaginable, mon très-cher frère, etc.

77. A LA MARGRAVE DE BAIREUTH.

Ruppin, 10 avril 1740.



Ma très-chère sœur,

Je ne conçois pas comme il est possible d'avoir une si vive envie de venir ici dans les circonstances présentes. Le Roi, à la vérité, est très-mal; mais, ma très-chère sœur, c'est à Berlin une vie qui