212. A LA MÊME.

Potsdam, 28 août 1748.



Ma très-chère sœur,

J'ai eu la satisfaction de recevoir deux de vos chères lettres presque à la fois. Je vous avoue, ma très-chère sœur, que je souffre véritablement de ne. pouvoir pas vous rendre mes devoirs à la noce de votre fille unique. Si j'avais pu un tant soit peu accommoder mon empressement aux circonstances où je me trouve présentement, je n'aurais pas manqué de me rendre à Baireuth; mais, d'un côté, les médecins m'ont conseillé les eaux pour me soulager des hémorroïdes dont je suis souvent tourmenté, et, de l'autre, les affaires de la paix, les intrigues des Autrichiens, la marche des Russes, l'état incertain de la santé du roi de Suède, et des objets de cette importance, me tiennent dans une attention perpétuelle. C'est un tableau dont je n'ose presque point détourner la vue. De plus, mes deux ministres des affaires étrangères sont malades et presque hors d'état de travailler, de sorte que tout leur ouvrage retombe sur moi. Ce sont des conjonctures si fâcheuses, que, malgré mon envie de revoir une sœur que j'adore, je suis obligé de me refuser cette satisfaction. Mon frère de Prusse ne pourra pas l'avoir non plus; car, quoiqu'il soit à présent sans fièvre, il est cependant si exténué, que je ne <186>crois pas qu'il regagne toutes ses forces avant deux mois d'ici. J'aurais cependant été fâché que cette noce se passât sans que personne de la famille y fût, et mes deux frères cadets se tiennent prêts de partir, et ils seront à Baireuth le jour que vous leur écrirez d'y arriver. Je les chargerai de mille vœux et de mille bénédictions, tant pour la mère, qui me tient extrêmement au cœur, que pour la fille. Si nos souhaits peuvent être efficaces, vous pouvez compter, ma très-chère sœur, sur l'accomplissement des miens; ils vous porteront une santé parfaite, une longue vie qui ne sera qu'un tissu de prospérités, et la réalité de tout ce que votre cœur désire. Quant à ma nièce, je lui souhaite beaucoup de patience, une heureuse lignée, une bonne humeur perpétuelle, et, plus que tout le reste, qu'elle soit toujours semblable à son illustre mère.

Je crois que tout ce qu'on pourra obtenir du Duc, ce sera un délai de quinze jours. Je pars, le commencement de la semaine qui vient, pour la Silésie, où je m'arrêterai jusque vers la fin du mois, y ayant plus d'affaires que je n'avais cru y trouver. La Molteni1_210-a partira aujourd'hui, et je suis persuadé qu'elle ne vous sera ni importune, ni trop coûteuse. Je me recommande, ma très-chère sœur, dans la continuation de votre précieuse amitié, étant avec la plus haute estime et la plus parfaite tendresse, ma très-chère sœur, etc.


1_210-a Voyez t. XVIII, p. 71, et ci-dessus, p. 127.