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182. AU CONSEILLER PRIVÉ D'ÉTAT BARON DE MARDEFELD A SAINT-PÉTERSBOURG.

Berlin, 3 décembre 1740.

J'ai reçu votre dépêche du 21 de ce mois avec l'importante nouvelle de la catastrophe et de la manière terrible dont la régence du duc de Courlande a fini, et de la nomination de la princesse Anne de Brunswick à la régence de l'empire de Russie.

Si j'ai été préparé à la première, ayant bien prévu que les manières brusques et les airs de violence et de hauteur avec lesquelles le duc de Courlande s'y prenait, ne sauraient que hâter sa perte, l'avénement de la princesse ma belle-sœur à la régence de cette monarchie m'a fait un plaisir infini; et quoiqu'elle ne me l'ait pas encore notifié dans les formes, vous tâcherez pourtant en particulier de lui témoigner, aussi bien qu'à mon beau-frère, le duc Antoine-Ulric de Brunswick, la joie que j'en ressens et avec laquelle je partage une satisfaction que l'une et l'autre ont méritée, à juste titre, depuis si longtemps. Vous leur direz que nous sommes trop liés par le sang et par les intérêts les plus essentiels de nos deux maisons en particulier et de nos États en général, pour que notre union n'en doive devenir d'autant plus indissoluble, que de mon côté je ferais tout au monde pour la rendre telle, étant bien persuadé qu'on voudra me payer d'un retour sincère d'amitié, et être aussi cordialement porté pour l'avancement de mes intérêts que je le serai pour les leurs et pour ceux de la Russie, tant que je vivrai.

Vous ferez aussi un compliment convenable au maréchal comte de Münnich de ma part, en l'assurant de toute ma considération et de tout mon estime, et en lui disant que je regarde avec admiration le coup d'État qu'il a su faire si fort à propos pour le salut de son souverain, celui des personnes qui lui appartiennent le plus près, et pour la gloire de la Russie. Que je crois ne me tromper point en le regardant, avec justice et raison, comme le meilleur instrument d'une étroite et solide union entre moi et l'Empereur son maître, que je me persuade de sa pénétration et de son expérience qu'il trouvera lui-même que nos intérêts devraient toujours être inséparables, et qu'il continue, pendant le grand poste que ses mérites et ses grands services lui ont acquis, de contribuer, en tout ce qu'il pourra, à l'affermissement de la bonne intelligence et de l'union la plus étroite dans laquelle je souhaite de vivre avec la Russie.

Le comte de Münnich peut être persuadé qu'il n'obligera pas un ingrat, et que je lui donnerai, dans toutes les occasions qui se présenteront, des marques réelles de ma reconnaissance et de mon estime.

Je vous chargerai bientôt d'une certaine commission secrète, et si vous y pouvez réussir par le canal du comte de Münnich, je lui donnerai et à sa postérité le bailliage de Biegen, que le duc de Courlande a