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581. A L'ÉLECTEUR DE BAVIÈRE [A MOLK].

Neisse, 2 novembre 1741.

Monsieur mon Cousin. Il n'y a rien de plus obligeant ni de plus affectueux que la lettre que Votre Altesse Électorale me fait le plaisir de m'écrire; Elle peut être fermement persuadée que ma vie et mes intérêts sont inséparables des siens; je Lui conserve une reconnaissance infinie de la manière généreuse et amiable dont elle m'a cédé le comté de Glatz, Son amitié m'est plus précieuse que tout au monde, et je L'assure qu'Elle n'oblige pas un ingrat.

Nous sommes entrés aujourd'hui dans Neisse; les bombes ont fait à mon grand regret un dégât épouvantable. La garnison était composée de l'excroissance du genre humain, et les officiers m'ont paru d'un très médiocre mérite. Je dois en partie la reddition de cette place aux armes de Votre Altesse Électorale; je Lui dois tant, et tout cela tout à la fois, que je manque de termes pour Lui exprimer ma sincère gratitude. Je La prie de ne point ajouter foi aux lettres de l'impératrice Amélie,1 aussi peu qu'aux artifices usés de la cour de Vienne: je peux L'assurer positivement et sur mon honneur que je n'ai point fait de paix avec les Autrichiens, et que je ne la ferai que lorsque Votre Altesse Électorale sera satisfaite.

J'ai poussé les Saxons si vivement que j'en ai tiré promesse qu'ils entreraient aujourd'hui en Bohême. Comme mes troupes y sont en quartier, je les aiguillonerai de si belle façon que je les ferai bientôt avancer vers la Moravie, où ils pourraient pénétrer d'un côté, moi de l'autre, et rejeter Neipperg — si Votre Altesse Électorale le laisse respirer jusques alors — dans l'Autriche. Mes vœux sont pour mon cher Électeur, que j'embrasse mille fois le plus tendrement du monde. Je pars pour Berlin, où ma présence est très nécessaire à cause des affaires du pays et des quartiers d'hiver des Français en Westphalie; à la fin de février ou au commencement de mars, je compte faire un tour en Bohême, et, si les Bavarois sont à Prague, j'irai pour voir du moins des troupes qui appartiennent à Votre Altesse Électorale, trop heureux si je pouvais L'y trouver en personne et L'assurer de vive voix de la haute estime et de la considération infinie avec laquelle je suis jusqu'au dernier soupir de ma vie, Monsieur mon Cousin, de Votre Altesse Électorale le très fidèle ami, cousin et frère

Federic.

Nach der Ausfertigung im Königl. Hausarchiv zu Berlin. Eigenhändig.



1 Vergl. Droysen V, I, 353.