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90. A L'ÉVÊQUE DE LIÈGE A LIÈGE.

Berlin, 4 octobre 1740.

Mon Cousin. J'ai reçu celle que vous m'avez bien voulu écrire du 16 du mois passé, et je suis véritablement fâché que les choses en soient venues entre nous à l'extrémité où elles se trouvent maintenant. Mais comme c'est votre procédé contre le Roi mon père et mes droits les plus incontestablessur ma libre et franche baronie de Herstal qui m'a réduit à la dure nécessité d'avoir enfin recours aux moyens usités entre les souverains pour me faire rendre justice, c'est à vous-même, et à ceux qui vous ont si mal consulté, que vous devez vous en prendre uniquement de la fâcheuse situation dans laquelle vous vous trouvez.

Cependant, après avoir satisfait à ce que je devais à moi-même et à mon honneur insulté, je ne suis point éloigné de vous rendre mon amitié et de finir une bonne fois pour toutes les différends qui ont fait naître tous ces inconvénients, et je me suis expliqué plus au long, sur les conditions d'un accomodement à faire, aux ministres que vous m'avez envoyés, et qui vous en feront leur rapport. Ce sera donc àvous à vous décider là-dessus, et à faire cesser les raisons qui ont interrompu la bonne harmonie et correspondance entre nos États.

Au reste, il serait assez inutile d'entrer dans un grand détail de réfutation des arguments spécieux que vous alléguez dans votre susdite lettre, par lesquels vous pourriez éblouir pour untemps les yeux d'un public peu au fait de la véritable situation de votre affaire, mais vous ne réussirez jamais à persuader ceux qui sont plus éclairés, et qui savent en juger plus sainement et avec connaissance de cause.

Cependant, pour ne point rester sans réplique, je ne saurais jamais mieux y répondre qu'en vous renvoyantaux pièces ci-jointes,1 qui vous traceront un fidèle tableau de votre conduite passée, et du peu de solidité de vos prétendus droits. Mais si vous êtes aussi sincèrement porté pour un accommodement que je le suis, il faudra renoncer à la guerre de plume, à laquelle vous gagnerez tout aussi peu qu'aux mauvais procédés envers vos voisins, et pour peu que vous soyez rendu à vousmême et dépouilléde tout préjugé, vous verrez que le meilleur parti à prendre pour vous sera celui de porter le plus de facilité que vous pourrez à un bon et prompt accommodement, tel que je l'ai fait proposer aux ministres que vous m'avez envoyés, ce qui me mettra en état de pouvoir vous donner des marques de l'estime et de la considération avec laquelle jesouhaite toujours d'être etc.

Federic.

Nach dem Concept.



1 „Exposition fidèle et succincte des procédés irréguliers et des attentats du prince et évêque de Liège“ und „Mémoire historique et juridique, où l'on fait voir que le prince de Liège n'a aucun droit sur Herstal“ . Preussische Staatsschriften I, 20.