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123. AU CONSEILLER PRIVÉ DES FINANCES DE BORCKE A VIENNE.

Berlin, 31 octobre 1740.

Je suis touché au vif d'apprendre par vos dépêches du 17 et du 19 de ce mois, comme aussi par le rapport que le courrier que vous m'avez envoyé m'a fait de bouche, lescirconstances de la maladie et de la mort de, l'Empereur, dont je regrette sincèrement la perte, ayant toujours rendu justice à son digne caractère et à ses sentiments de droiture et de probité.

Vous pouvez aussi témoigner au duc de Lorraine combien je partage sa juste douleur, et combien j'entre dans la triste situation oùtoute la famille impériale se doit trouver par la perte de son auguste chef et de tout son soutien. Le duc de Lorraine ne se trompe pas, quand il met son espérance sur mon amitié et sur mon assistance, qui ne lui manquera pas, dès qu'on me mettra en état de ce côté-là de faire quelque chose pour lui; mais vous jugez bien vous-même que cela ne saurait être que d'une manière que j'y trouve mon compte, et qui puisse contrebalancer le risque queje courrais en prenant son parti dans la crise présente, où nous ne sommes pas menacés de moins que d'une guerre générale, et où l'on sait à Vienne toutes les dispositions de ses voisins. C'est pour cela qu'il sera temps qu'on parle et qu'on s'explique clairement, avant qu'on s'engage ailleurs, les conjonctures présentes étant d'une nature où il faudra saisir l'occasion aux cheveux et ne point biaiserlongtemps sur le parti qu'il y aura à prendre. Et on peut compter que, si l'on ne renonce pas à la lenteur ordinaire avec laquelle on a traité les affaires jusqu'ici à Vienne, et qu'on n'agisse pas avec plus d'activité et plus de vigueur que par le passé, on courra grand risque de venir trop tard et de rester sans ressource.

On ne se trompe point à Vienne, si l'on appréhende les mauvais desseins de la Saxe et de la Bavière. Il y a même beaucoup d'apparence que leurs flûtes sont déjà toutes ajustées, et que les tristes suites de l'événement qui vient de frapper les débris de la maison d'Autriche, ne se borneront pas à cela, mais qu'on pourrait bien être entamé, en peu de temps, en Italie et en Hongrie à la fois, si on ne tâchepas à temps à se procurer des amis et des ressources capables de prévenir la ruine totale de la famille impériale.

Mais je voudrais bien savoir quelles sont ces ressources sur lesquelles on compte le plus dans la détresse présente, et quels sont les amis auxquels on veut avoir recours, et ce qu'on voudra faire poureux. Les 24,000 hommes que, selon votre dépêche du 19 de ce mois, on veut faire venir de la Hongrie ne suffiront pas certainement, à beaucoup près, pour faire face à tout, et on sait ce que c'est que les troupes impériales à l'heure qu'il est, à qui tout manque, et qui sont ordinairement un tiers, sinon la moitié, moindres que le nombre dont on les prône. Mais je suis curieux surtout d'apprendre les arrangements domestiques qu'on a faits