86. AU CONSEILLER PRIVÉ DES FINANCES DE BORCKE A VIENNE.

Berlin, 30 septembre 1740.

J'ai vu par votre dépêche du 21 de ce mois ce que vous m'avez mandé touchant les dispositions de la cour de Vienne à l'égard de mes différends avec l'évêque de Liège.

Vous verrez par la ci-jointe ce que j'ai répondu à ce prince en dernier lieu,54-1 sur la lettre qu'il m'a écrite du 11 de ce mois, et qui ne m'a été rendue que bien longtemps après qu'il avait renvoyé mon conseiller privé Rambonnet sans daigner lui donner la moindre réponse. C'est aussi dans le sens de la susdite lettre que vous devez vous expliquer envers les ministres de l'Empereur et surtout le comte de Sinzendorff et le baron de Bartenstein, en leur faisant voir que je n'ai pu en agir autrement, et que le seul bénéfice qui m'est resté, après tant de plaintesinutiles, n'a pu être que le droit de rétorsion ou retorsio juris iniqui, remède auquel chaque État de l'Empire peut avoir recours, dans un cas de violence, commencée par celui contre lequel on est obligé de l'employer; puisqu'on serait bien à plaindre, si on devait se laisser insulter impunément par chaque voisin, sans oser repousser la violence par la violence, sous prétexte qu'il n'est pas permis d'entrer dans le territoire d'autrui à main armée, comme le chancelier de la cour vous a dit, tandis que ce même voisin n'a pas discontinué d'exercer, à la vue de toute l'Europe (et malgré les plaintes que j'en ai fait porter si souvent et pendant tant d'années, quoique sans le moindre succès, à la cour impériale, comme vous le savez vous-même) les injustices les plus criantes, et les attentats les plus énormes contre mes droits les plus incontestables, que les prédécesseurs de l'évêque de Liège d'aujourd'hui n'ont jamais oséenfreindre. Voilà ce qu'il faut représenter vivement au ministère de la cour où vous êtes, en cas qu'elle veuille se mêler de cette affaire-là. Vous vous souviendrez sans doute des ordres réitérés qui vous ont été donnés là-dessus du temps de feu le Roi mon père, de remontrer les suites et les inconvénients dont ces démêlés seraient suivis infailliblement, si la cour impériale ne tâchait pas de détourner l'évêque de Liège de tous ses mauvais procédés dans cette affaire. On a offertd'entrer en conférence là-dessus avec ce prince, soit par les ministres de part et d'autre directement, soit par des arbitres et des médiateurs. La cour de Vienne même a été pressentie là-dessus, comme vous vous souviendrez, mais on n'y a jamais voulu faire la moindre <55>attention. Maintenant, les choses sont allées trop loin, et on peut compter et vous pouvez assurer que je ne reculerai pas, avant que l'évêque et prince de Liège ne me donne satisfaction d'une ou d'autre manière.

Mais pour peu qu'il fasse les démarches nécessaires pour cela, je lui ferai voir que l'on trouvera autant et plus de facilité même à s'accommoder avec moi, que je n'en ai eu à pouvoir me résoudre de tirer raison de toutes les insultes qu'on m'a faites et à feu le Roi mon père sur ce sujet.

Au reste, je suis bien aise d'apprendre qu'on convient à Vienne que ce turbulent évêque mérite qu'on lui donne un peu sur les doigts, et vous pouvez insinuer aux mimstres de l'Empereur que, si l'on veut faire cause commune avec moi, dans ce qui regarde les atteintes que ce prince a données au commerce de la Meuse, et généralement à celui de tous les Pays-Bas catholiques, nous le mettrons bientôt à la raison, etj'aiderai du meilleur de mon cœur la cour impériale à se faire rendre justice là-dessus de la manière qu'elle croira pouvoir convenir à nos intérêts réciproques, puisqu'il n'y a pas moyen de le ramener dans le bon chemin, sans employer les remèdes auxquels j'ai eu recours. J'espère que vous tâcherez de tirer bon parti pour mes intérêts dans cette affaire de ce petit levain qui reste encore dans l'esprit de la cour impériale contre le prince de Liège, à qui il faudra apprendre de respecter davantage l'amitié des voisins aussi considérables que sont l'Empereur et moi.

Je ne doute pas qu'on ne réfléchisse là-dessus à Vienne, et que ces considérations ne servent d'antidote pour nepoint laisser se prévenir par les plaintes malfondées de la cour de Liège.

Federic.

H. de Podewils.

Nach der Ausfertigung.



-