110. AU CONSEILLER PRIVÉ DES FINANCES DE BORCKE ET AU CONSEILLER DE GRAEVE A VIENNE.

Berlin, 22octobre 1740.

Vous verrez par la relation ci-jointe de mon ministre à Ratisbonne et le décret de commission de l'Empereur à la Diète, avec quelle précipitation la cour de Vienne s'est laissée aller de porter l'affaire de Herstal, et lesdifférends que j'ai eus avec l'évêque et prince de Liège, à la diète de l'Empire par un décret de commission, conçu dans des termes fort aigres et peu mesurés contre moi, et cela avant que l'Empereur se soit donné la peine de m'écrire et de s'éclaircir là-dessus avec moi, et d'attendre ma réponse, puisque jusqu'ici je n'ai ni reçu les soi-disantes lettres déhortatoires dont le décret de commission parle, niles ministres de l'Empereur à Vienne ni ceux qu'il a eus et qu'il a encore à ma cour n'ont jamais fait, de la part de leur maître, la moindre démarche auprès de moi pour entendre mes raisons ou s'expliquer sur cette affaire avec moi, comme cela s'est pratiqué jusqu'ici avec le moindre des États de l'Empire, dont on se plaint et contre lequel on a recours à l'Empereur.

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J'avoue que cette démarche peu amiable et inouie même jusqu'ici dans l'Empire, de sonner le tocsin publiquement contre un de ses principaux membres, sans l'en avoir averti auparavant amiablement, m'a également frappé et scandalisé, et je me serais attendu à un peu plusde ménagement et d'amitié de la part de la cour impériale dans mon commencement de règne, où j'ai recherché avec empressement toutes les occasions pour convaincre l'Empereur de mon zèle, de mes bonnes intentions, et de mon attachement sincère à ses intérêts. Mais je vois bien qu'on débute fort mal avec moi, et cet échantillon me doit servir d'avis à quoi je dois m'attendre dans des choses de plus grande importance de la part de la cour impériale.

Vous ne devez point dissimuler tout cela au ministère de l'Empereur, et vous en plaindre hautement, comme d'une démarche qui m'a été d'autant plus sensible que je ne crois pas l'avoir méritée envers l'Empereur, et d'une irrégularité dont il n'y a peut-être point d'exemple dans toute l'histoire, de faire publier un décret de commission contre un électeur etprince de l'Empire, avant d'avoir, par des lettres déhortatoires, essayé de le faire désister de ce dont on croit avoir raison de se plaindre, et dans le temps où on sait que l'affaire dont il a été question est en termes d'accommodement.

Mais cette démarche ne peut que tourner à laconfusion de ceux qui ont donné ces conseils violents à l'Empereur, et qui ont surpris la religion de ce prince, en l'engageant mal à propos et avec tant de précipitation dans une affaire qui fait, si j'ose le dire, fort peu d'honneur à la modération et au jugement d'un ministère aussi éclairé que celui de la cour de Vienne. Heureusement que ces mauvaises intentions contre moi ont porté à faux cette fois-ci; et le traité d'accommodement entre moiet l'évêque et prince de Liège a été conclu et signé ici le 20 de ce mois, avec les ministres de ce prince, chargés de ses pleins-pouvoirs et de ceux des États de la principauté de Liège, le tout étant par là fini avec une satisfaction réciproque des deux parties. De sorte que la cour impériale aurait bien pu se passer de la précipitation avec laquelle elle s'est déclarée d'une manière si peu amiable contre moi, et dont je me souviendrai en temps et lieu.

Mais cela fait voir en même temps que vous avez été fort mal instruit jusqu'ici des véritables sentiments de cette cour à mon égard, et surtout que vous avez été la dupe de sa modération affectée sur ce sujet.

Federic.

H. de Podewils.

Nach der Ausfertigung.